Titre : Quand tu écouteras cette chanson
Auteur : Lola Lafon
Editeur : Stock
Nombre de pages : 180 
Date de parution : 17 août 2022

 

Une nuit au musée

La collection Une nuit au musée propose à des écrivains de vivre dans un musée de leur choix une expérience nocturne. Puis de la raconter librement avec leur sensibilité, leur vécu, leur univers. En acceptant ce défi, Lola Lafon, inspirée par la vie de sa grand-mère Ida Goldman,  choisit naturellement le musée d’Anne Frank à Amsterdam. Après de longues périodes de confinement liées à la crise du COVID, lors de la nuit du 18 août 2021, l’auteure s’enferme dans ces quelques pièces où la famille Frank s’est cachée pour échapper aux rafles anti-juives .

Anne Franck, symbole de la Shoah

Anne Frank regarde un cortège de mariage depuis la fenêtre de son appartement. C’est sans doute la seule image animée qui reste de cette jeune fille de douze ans. La parution de son journal donne au monde entier l’écho de l’horreur de la Shoah.

On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas; on pourra dire qu’on ne savait pas que faire de ce qu’on savait.

Mais Anne Frank, symbole de la Shoah est aussi et surtout celui de l’écriture et l’adolescence. Ces trois thèmes touchent personnellement l’auteur. Et d’une manière très subtile et homogène, Lola Lafon mêle son vécu à celui de la potentielle écrivaine qui vit son adolescence brisée par l’intolérance et le racisme d’un pays.

Des histoires parallèles

Installée dans la chambre des parents et de la soeur d’Anne Frank, Lola Lafon évoque le passé de la famille, le courage des protecteurs risquant leur vie pour cacher la famille puis le jour de la rafle et le destin tragique de la famille Frank. Miep, la secrétaire d’Otto Frank, ramasse les pages éparpillées au sol du journal de l’adolescente. Le père, seul rescapé de la famille choisira de faire publier la voix de sa fille disparue. Un journal qui fera d’Anne Frank un symbole, un journal dont on ne retient que la persécution faite aux juifs, un document qui sera contesté par les négationnistes. Mais une oeuvre essentielle pour celui qui l’écrit et pour toutes les générations futures.

Ecrire n’est pas tout à fait un choix : c’est un aveu d’impuissance. On écrit parce qu’on ne sait par quel autre biais attraper le réel

Le travail d’écriture

Issue d’une famille juive, marquée par son enfance en Roumanie sous Ceausescu, Lola Lafon est particulièrement concernée par l’histoire de la Shoah et l’oppression des peuples.

L’anorexie est, je crois, la langue que parlent celles qui héritent de récits silencieux.

Mais en tant qu’écrivaine qui avoue devoir écrire ce qu’elle vit pour le comprendre, elle est aussi touchée par la plume d’Anne Frank. La jeune fille possède le talent immature d’une future écrivaine.

Ecrire est un geste d’espoir obstiné, la preuve d’une expérience insensée.

L’adolescence brisée

Le journal d’Anne Frank traduit aussi l’insouciance, la joie, l’insolence de la jeunesse. Ce n’est qu’à six heures du matin que l’auteur se tient sur le seuil de la chambre d’Anne.

Dans la chambre désolée d’une jeune fille dont la terre entière connaissait le nom, s’est glissée la silhouette d’un jeune homme inconnu de vous.

Le devoir de mémoire s’étend à un autre adolescent dont la vie fut injustement emportée. Et par extension à tous ces jeunes gens assassinés par des dictatures. Malheureusement, l’actualité ajoute bon nombre de noms et de figures à cette liste macabre.

Il n’y aura jamais assez de vivants pour répondre aux morts

Un texte lumineux d’une grande sensibilité

Je recommande vivement la lecture de ce récit. Parce qu’il donne une autre dimension à la figure d’Anne Frank. De ce regard tourné vers le musée mais aussi vers son histoire personnelle, l’auteure donne dimension exceptionnelle à son étude.
Cloîtrée dans ce musée, la mémoire ouvre les portes de la grande histoire, pose des questions sur le travail d’écriture, son détournement et sa portée historique. Mais surtout ce livre est un vibrant hommage à l’adolescence brisée par les abus de pouvoir.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

19 octobre 2022 à 12 h 02 min

Ma nuit au musée est une très belle collection. Avec ce titre Lolo Lafon ajoute un texte important car il écrit un récit historique important pour la génération actuelle. J’ai hâte de le lire. Et bravo pour la chronique 😀



19 octobre 2022 à 14 h 29 min

Chronique qui rassemble tout ce qui fait que cet essai edt exceptionnel ! A découvrir vraiment



19 octobre 2022 à 15 h 59 min

ça doit bien compléter la lecture du journal d’Anne Franck



    19 octobre 2022 à 19 h 02 min

    J’ai dû lire Le journal d’Anne Franck au lycée. Cela fait donc un bail. Ce serait sûrement l’occasion de le relire grâce à cet éclairage pour y trouver justement ce que la médiatisation a passé sous silence.



20 octobre 2022 à 9 h 01 min

J’aime beaucoup ta phrase de conclusion… et ton billet confirme mon envie de lire ce livre.



21 octobre 2022 à 12 h 51 min

Une lecture que j’ai apprécié, même si on ne saura rien de son entrée dans la chambre d’Anne….



12 décembre 2022 à 23 h 04 min

J’aimerais avant ma critique partager avec vous un article paru ce 18 août sur le site « Actualitté » :  » La grande vague de censure américaine ne faiblit pas…
au Texas, l’adaptation en BD du journal d’A.Frank est menacée d’interdiction scolaire ».
Le nouveau Lola Lafon est un récit, celui qui relate dans cette belle collection:
« Ma nuit au musée » aux éditions Stock son aventure seule dans un lieu clos,
vidé des visiteurs et l’évocation de ses ressentis et introspections.
C’est le premier livre que je lis dans cette ligne éditoriale.
Il m’interpelle par l’endroit visité, l’annexe où pendant deux ans, A.Frank , sa famille et d’autres juifs d’Amsterdam envahie par les allemands vont se terrer et se taire.
Ce récit m’interpelle aussi par l’autrice que je suis pour son approche de destins de jeunes femmes, je cite : Nadia Comaneci, Patricia Hearst et le monde impitoyable des jeunes danseuses.
Alors, encore un nouveau témoignage sur cette jeune fille morte quelques jours avant la libération des camps ?
Le destin d’A.Frank a été mis à toutes les sauces, sa vie a été niée aussi que son journal.
Dans ce temps encore aujourd’hui du n’importe quoi, laissons écrire
Lola Lafon, laissons la raconter son propre passé avec une écriture délicate, précieuse et chamboulante.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

En savoir plus sur Sur la route de jostein

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture