Titre : L’empire de la douleur
Auteur : Patrick Radden Keefe
Littérature américaine
Titre original : Empire of pain. The secret history of the Sackler dinasty
Traducteur : Claire-Marie Clévy
Editeur : Belfond
Nombre de pages : 688
Date de parution : 29 septembre 2022
La famille Sackler
Arthur Sackler, né en 1913 à Brooklyn, est le premier fils d’un couple d’immigrés, propriétaires d’une épicerie, qui se sont bâtis un nom et une fortune dans l’immobilier. Il sera bientôt rejoint par deux frères, Mortimer et Raymond. Ruinés par des revers de fortune puis par la crise de 1929, les parents voulaient que leurs fils deviennent médecins.
Arthur commence sa carrière dans un hôpital psychiatrique. Les traitements par électrochocs ou lobotomie le scandalisent. Il est convaincu que tous les maux humains peuvent être traités par un cachet.
Pour payer les études de ses frères, Arthur multiplie les emplois. Il travaille notamment sur la publicité des produits pharmaceutiques. Associé à Bill Frohlish et ses deux frères, Arthur crée un empire en multipliant les synergies : agence de publicité, maison d’édition, agence de presse, société pharmaceutique. Philanthrope, cet homme passionné d’art distribue les dons aux musées et universités pour inscrire son nom dans le marbre.
L’affaire de l’OxyContin racontée ici par le journaliste Patrick Radden Keefe couvre trois générations de Sackler : les trois frères, leurs enfants de plusieurs mariages et leurs petits-enfants.
La commercialisation de l’OxyContin
En 1996, les Sackler créent la société Purdue Pharma afin commercialiser l’OxyContin aux Etats-Unis. Ce comprimé de morphine à libération lente qui traite la douleur en oncologie, devient vite un médicament grand public grâce à un marketing agressif : équipe musclée de délégués médicaux, corruption de responsables de la FDA ( administration américaine qui valide la mise sur le marché des médicaments), cadeaux aux prescripteurs, publicités mensongères dans les revues médicales. Mais bien vite, la prescription de plus en plus large crée des dépendances et génère une hausse de la mortalité par overdose.
L’hypocrisie d’une dynastie
Alors qu’elle inonde le marché, musèle l’opposition, la famille Sackler nie toute responsabilité dans l’usage de son médicament. Après la mort d’Arthur, les deux frères et leurs descendants engagent les meilleurs avocats pour contrer les attaques des journalistes ou sénateurs. Les accusations se règlent à coup de dollars.
Si en 2008 et en 2015, des procureurs de Virginie et du Kentucky parviennent à inculper un médecin et le PDG de Purdue Pharma, les Sackler ne sont jamais cités ni inquiétés.
Malheureusement, il faudra attendre 2019, après une large dénonciation du monde de l’art, des universités contre les Sackler pour que la procureure du Massachussets puisse déposer plainte contre huit membres de la famille Sackler. Cependant, les membres de la famille avaient depuis longtemps sorti son argent de l’entreprise, quitté le conseil d’administration, laissant Purdue Pharma en liquidation judiciaire.
Dopesick
Patrick Radden Keefe, dans cette enquête très détaillée, montre l’ascension de la dynastie Sackler, leur hypocrisie, leurs constantes tentatives de corruption. Rien ne les arrête pour s’enrichir. Et ils drainent dans leur sillage avocats respectables, juges cupides prompts à servir des industriels véreux.
Malheureusement, pour avoir regardé la série Dopesick, je connaissais bien cette histoire. L’auteur creuse ici davantage la vie privée des trois frères fondateurs puis des héritiers un peu moins charismatiques.
Toutefois, il détaille aussi largement la genèse de l’OxyContin puis les multiples attaques des journalistes et procureurs, de tous ceux qui ont tenté d’alerter sur ce drame. C’est un travail colossal pour une affaire qui couvre plusieurs décennies.
Connaissant le sujet, j’ai trouvé des longueurs dans ce récit. La complexité du sujet se ressent dans la lecture. Toutefois, l’auteur est parvenu à confirmer mon dégoût pour cette famille vénale, hypocrite qui a semé la mort pour asseoir sa fortune et sa notoriété.
Commentaires
Très intéressant, comme sujet, j’avais vu une émission sur les ravages de l’Oxycotin sur Arte je crois… flippant. J’ai « Ne dis rien » sur ma pile; de cet auteur, que je dois lir d’abord, mais je note.
Je n’avais jamais lu cet auteur. On reconnaît l’art du journaliste. Son propos est clair malgré la complexité du sujet