Titre : La clinique de la dignité
Auteur : Cynthia Fleury
Editeur : Folio
Nombre de pages : 306
Date de parution : 13 février 2025
Les bases historiques
La dignité est une valeur indissociable de la notion d’humanité. Cynthia Fleury nous rappelle l’approche des théologiens et du siècle des Lumières.
Ni le péché ni l’acte immoral ne peuvent annuler la dignité.
Pour aborder la clinique de la dignité, il convient surtout de parler des sources de l’indignité.
La fabrique de l’indignité a commencé avec la colonisation, l’esclavage. Baldwin, écrivain noir et homosexuel, témoigne de son sentiment de rejet en son pays.
Les fabriques de l’indignité
Si l’esclavage, les crimes contre l’humanité sont des atteintes évidentes à l’indignité, il en est de nos jours de plus insidieuses.
La conjonction économique crée une dynamique inégalitaire. La crise climatique s’annonce elle aussi comme une clinique de l’indignité les plus retorses. L’indignité augmente avec le déplacement des populations. Et la vie dans les camps est aujourd’hui un concentré d’inhumanité. Le rôle des architectes serait de penser ces camps comme des lieux de vie et non des lieux de relegation.
La souffrance éthique dans le monde du travail est aussi de nos jours un problème de société. La dégradation des conditions de travail est autant au niveau économique, moral ou relationnel.
L’importance de l’éducation
Comment agir ? S’indigner, comme le suggérait Stéphane Hessel en 2010 ? C’est un début, une prise de conscience, le sursaut nécessaire avant la pendaison, comme le suggérait Samuel Johnson ( « La perspective de la pendaison concentre merveilleusement l’esprit. »)
Mais, comme souvent, la clé se trouve dans l’éducation.
Aussi, pour retrouver une confiance dans la politique et ne pas l’assimiler aux luttes picrocholines politiciennes, il est essentiel de refonder la politique par le soin qu’elle procure aux personnes – principalement par les actions d’éducation, de santé et de culture, qui sont au cœur de l’émancipation des sujets.
Et comme le pensait Rousseau, l’éducation doit se faire par l’expérimentation et non par la diffusion d’un savoir et une écoute passive. La compétence de l’autonomie, la considération de l’avis de l’autre sont essentielles.
Ensuite, il s’agit bien évidemment de déconstruire des formes de conduites conditionnées : « Développer la capacité des élèves à voir le monde du point de vue des autres, en particulier de ceux que leur société dépeint comme inférieurs, comme de simples objets; enseigner des comportements à l’égard de la faiblesse et de la vulnérabilité humaines qui suggèrent que la faiblesse n’est pas honteuse et qu’avoir besoin des autres n’est pas la preuve d’un manque de virilité; enseigner aux enfants à ne pas avoir honte du besoin et de l’incomplétude, mais y voir des occasions de coopération et de réciprocité. »
La crise climatique, les menaces de guerre vont impacter le destin des jeunes générations, la protection de la dignité est le seul chemin viable pour une vie commune et solidaire .
Rebonds et explorations
Claire Hédon, Benoît Berthelier, Catherine Tourette-Turgis et Benjamin Lévy reprennent les thèses de Cynthia Fleury pour les illustrer dans leur propre domaine.
En tant que défenseure des droits, Claire Hédon évoque les nombreuses réclamations traitées par son service dans les domaines des prisons, des EHPAD et des écoles. Ce sont de hauts lieux de maltraitance et d’humiliations.
Benoît Berthelier traite de l’élargissement de l’indignité aux non-humains.
Catherine Tourette-Turgis a travaillé pendant vingt ans dans le champ du sida. En élargissant aux autres causes de maladie, elle montre comment le malade se retrouve parfois abandonné par son employeur, les banques ou ses clients.
Enfin, Benjamin Lévy explore l’indignité dans le milieu carcéral. La prison est par définition un lieu de privation de liberté et de dignité. Mais la réinsertion serait bien meilleure si il y avait un meilleur respect de la dignité.
A l’heure où le monde risque de créer encore et toujours plus d’inégalités, Cynthia Fleury rappelle ici l’importance du soin et de l’éducation dans nos sociétés où la dignité, tout comme la liberté ou l’égalité , sont de plus en plus menacées. Un essai plutôt difficile à lire dans sa première partie. Mais Cynthia Fleury prend toujours le soin de reformuler les théories philosophiques. Et la seconde partie ( Rebonds et explorations) apporte un côté pratique proche de nos réalités quotidiennes.
Je remercie Babelio et les éditions Folio pour l’attribution de ce livre lors de la dernière opération Masse critique non-fiction.
Commentaires
A lire en regard de l’ouvrage sur les prisons de Michel Foucault.
Merci pour le conseil. C’est un sujet délicat où il y a beaucoup de progrès à faire mais ce n’est pas simple