Titre : L’administrateur provisoire
Auteur : Alexandre Seurat
Editeur : Le Rouergue
Nombre de pages : 192
Date de parution : 17 août 2016
Le talent d’Alexandre Seurat est de savoir prendre la distance nécessaire pour retracer un fait divers comme dans son premier roman La maladroite ou comme ici pour mettre à jour un secret de famille qui empoisonne plusieurs générations. Il évite ainsi l’écueil du sordide, du malsain ou du pathos.
La fin tragique du frère du narrateur lève le voile sur l’indicible passé d’un arrière grand-père. Raoul H. fut de juin 1941 à mars 1943 administrateur provisoire pour le commissariat général aux questions juives. Ce que des générations ont caché parce qu’il ne sert à rien de remuer un passé encombrant, parce que l’on finit par croire que l’époque était différente, rejaillit sur les jeunes qui découvrent avec horreur la Shoah. Pour ce frère qui voulait se faire tatouer sur le bras le numéro de déporté de Primo Levi, « il y avait comme une bombe » en lui.
« Ma mère ne comprend pas pourquoi mon frère est hanté par la Shoah. Quand il rentre de sa visite d’Auschtwitz, avec sa classe de lycée, il est possédé par la haine, un désir de vengeance, les mots qu’il dit, il les lâche vite, dans la rage. »
Le narrateur enquête auprès des frères de sa mère puis aux Archives nationales pour comprendre qui fut vraiment Raoul H. . Si la famille reste toujours dans le doute, le demi-silence, les archives sont accablantes. Raoul n’est pas entré dans ce système pour sauver son fils de l’oflag, mais bien pour participer activement à la confiscation des biens des entreprises juives, voire même pour deux cas au moins, détaillés dans ce court roman, envoyer les propriétaires dans les camps de la mort et profiter personnellement de sa position.
» Drancy: ombres qui flottent sur le terre-plein, dans les cris des gendarmes, les bruits des pas, les souffles tièdes, corps entassés, ombres fantomatiques. »
Alexandre Seurat choisit de narrer l’enquête du narrateur en intercalant différents tableaux: le procès de Raoul, l’enquête familiale, les récits historiques et le drame de son frère. Ce qui laisse planer l’ambiance des non-dits, des silences, des secrets de famille.
« Il cherche la pensée, ou ne la cherche pas vraiment, puisque cette confusion de tout ce qu’on ne peut pas expliquer, c’est ce qui lui permet d’écrire sans doute. »
Cette fois, il me semble que la fragmentation des tableau, la réserve et la distance voulue par le narrateur génèrent parfois la confusion et brident l’émotion.
Alexandre Seurat mêle documentaire et fiction romanesque pour témoigner sur un volet de l’Histoire, l’aryanisation économique et libérer la douleur d’un passé que personne ne peut oublier. L’auteur condamne Raoul H. qui n’a jamais émis aucun remords à la peine maximale posthume, l’indignité et rend ainsi hommage aux victimes.
Moins émouvant que La maladroite mais toujours un récit passionnant au style à la fois doux et percutant.
Commentaires
J’avais plutôt aimé La maladroite alors je me laisserais peut-être tenter par celui-ci !
Je savais bien que le nom de l’auteur me disait quelque chose…..