trouillotTitre : Parabole du failli
Auteur : Lyonel Trouillot
Éditeur : Actes Sud
Nombre de pages : 192
Date de parution : août 2013

Auteur :
Romancier et poète, intellectuel engagé, acteur passionné de la scène francophone mondiale, Lyonel Trouillot est né en 1956 dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince, où il vit toujours aujourd’hui. Son œuvre est publiée chez Actes Sud.
Récemment : La Belle Amour humaine (Actes Sud, 2011, Grand Prix du roman métis 2011) et Parabole du failli (2013).

Présentation de l’éditeur :
Alors qu’il semble enfin devoir connaître le succès, Pedro, un jeune comédien haïtien en tournée à l’étranger, se jette du douzième étage d’un immeuble. Dans son pays natal, l’un des deux amis avec lesquels il partageait au hasard des nuits un modeste appartement aux allures de bateau-ivre tente alors, entre colère et amour, de comprendre les raisons de ce geste, au fil d’une virulente adresse au disparu, comme pour remplir de son propre cri le vide laissé par celui qui déclamait dans les rues de Port-au-Prince les vers de Baudelaire, Éluard ou Pessoa, faute de croire aux poèmes que lui-même écrivait en secret et qu’il avait rassemblés sous le titre : “Parabole du failli”.
Un homme est tombé, qui n’avait pas trouvé sa place dans le monde d’intense désamour qui peut être le nôtre : dans l’abîme que crée sa disparition s’inscrit l’échec du suicidé mais aussi de celui qui reste, avec sa douleur et ses discours impuissants. À travers ce portrait d’un homme que le terrifiant mélange du social et de l’intime a, de l’enfance au plongeon dans le vide, transformé en plaie ouverte au point de le contraindre, pour être lui-même, à devenir tous les autres sur la scène comme dans la vie, Lyonel Trouillot, dans cette nouvelle et bouleversante “chanson du mal-aimé”, rend hommage à l’humanité du désespoir, à l’échec des mots qui voudraient le dire mais qui, même dans la langue du Poète, ne parviennent jamais à combler la faille qui sépare la lettre de la réalité de la vie.

Mon avis :
C’est avec une vérité crue que Lyonel Trouillot aborde une fois de plus la misère des quartiers de Port au Prince, les « faillis » des laissés pour compte.
Lorsque le narrateur, rédacteur de la rubrique nécrologie du journal local, entend depuis la radio du voisin qu’un jeune de chez eux s’est jeté du douzième étage d’un immeuble d’une grande ville étrangère, il reconnaît Pedro, leur ami acteur parti avec sa troupe de théâtre.
Alors, il se souvient de leur rencontre, de leur amitié et des aventures qu’ils ont vécu ensemble, lui, Pedro et l’Estropié.
Pedro, pourtant d’un autre milieu mais en conflit avec son père, un agent de commerce, avait rejoint le journaliste et l’Estropié dans ce deux pièces de Saint-Antoine, leur bateau-ivre. Il y a installé son matelas et ne les a plus quittés. Pourtant issu d’une famille favorisée, ce quartier devient sa maison.
En opposition à la rigueur de son père, Pedro est un poète, un instable qui vocifère ses colères et ses déprimes, « un porteur de mots des autres« . Un être fou qui distribue des pages d’Eluard aux passantes,  » un jeune homme triste cherchant un peu d’amour à prendre et à donner ». Mais ses aventures amoureuses sont des échecs. Sa mère, disparue quand il avait quinze ans reste la seule figure féminine de sa vie.
Immergé dans  son monde artistique,  a-t-il jamais fait attention à la douleur de ses compagnons qui ont pourtant leur lot de souffrances ? Orphelin ou enfant battu, ils n’ont que des plaisirs simples, un film au cinéma, un bain de mer près d’une décharge, des délires entre amis autour d’une bouteille de rhum. Leur amitié devient primordiale.
Mais eux-mêmes ont-ils su écouter tout le désespoir qui hantait Pedro qui savait pourtant redonner vie à un village déserté, émouvoir une grosse dame qui déteste tout, assagir les enfants de quartier, redonner la voix à une jeune fille abandonnée.
 » Une personne se tient au bord de la falaise. Nous parle. Personne ne l’entend. Elle tombe. C’est alors seulement que le cri, dont il ne reste que l’écho, nous intéresse, par besoin d’exégèse. »
La langue de l’auteur est belle, et encore sublimée par les citations de poètes.  Lyonel Trouillot nous entraîne au départ dans une longue confession à Pedro, un peu lancinante, très sombre, sans espoir au coeur des corps et des âmes disloqués pour finir sur une apothéose où toute cette « vie pauvre mais riche de sensations et de sentiments » se réunit pour rendre un dernier hommage à celui qui redonnait l’espoir et la poésie aux désespérés du quartier devenu son refuge.
Personnages principaux et secondaires sont tous présentés avec ce passé qui explique leur faille. Entre les mots et les silences, les différents personnages laissent éclater la beauté de leur âme. Et ce sont les plus sobres et les plus cassés qui sont les plus beaux.
Comme dans La belle amour humaine, avec peut-être un peu moins de magie, Lyonel Trouillot montre une fois de plus avec beaucoup de sensibilité tout le désespoir et le courage d’une certaine société de Port au Prince.
« Ici, on est déjà à terre et personne ne plonge dans le vide. »

J’ai lu ce roman en partenariat avec Chroniques de la rentrée littéraire.com

RL2013 abc

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

17 novembre 2013 à 17 h 54 min

Se passant dans ces lieux, j’ai à lire : la couleur de l’aube et la ^piste des sortilèges



alexmotamots
18 novembre 2013 à 10 h 42 min

Un roman qui a l’air très fort et très beau.



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