norddahlTitre : Illska
Auteur : Eirikur Örn Norddahl
Littérature islandaise
Titre original : Illska
Traducteur : Eric Boury
Éditeur : Métailié
Nombre de pages : 598
Date de parution : 20 août 2015

Auteur :
Eiríkur Örn Norđdahl  est né à Reykjavik en 1978 et a grandi à Isafjordur. Il a commencé à écrire vers 2000, mais la nécessité l’a amené à faire d’autres choses pour gagner sa vie. Il a  vécu à Berlin en 2002-2004 puis dans plusieurs pays d’Europe du Nord,  en particulier à Helsinki (2006-2009) et en Finlande (2009-2011) et dernièrement au Viêtnam. En 2004 il a été un des membres fondateurs du collectif poétique d’avant-garde Nyhil, en Islande. En 2008, il a reçu le Icelandic Translators Award pour sa traduction du roman de Jonathan Lethem, Les Orphelins de Brooklyn. Il a obtenu une mention Honorable au Zebra Poetry Film Festival de Berlin en 2010 pour son animation poétique,  Höpöhöpö Böks. En  2012 Norddahl a reçu le Icelandic Literary Prize, catégorie fiction et poésie, ainsi que le Book Merchants’ Prize pour son roman Illska.

Présentation de l’éditeur :
Événement dans l’histoire mondiale : Agnes et Omar se rencontrent par un dimanche matin glacial dans la queue des taxis au centre-ville de Reykjavik. Agnes rencontre aussi Arnor, un néonazi cultivé, pour sa thèse sur l’extrême droite contemporaine. Trois ans, un enfant et une crise de jalousie plus tard, Omar brûle entièrement leur maison et quitte le pays. L’histoire commence en réalité bien avant, au cours de l’été 1941, quand les Einsatzgruppen, aidés par la population locale, massacrent tous les Juifs de la petite ville lituanienne de Jurbarkas. Deux arrière-grands-pères d’Agnes sont pris dans la tourmente – l’un d’eux tue l’autre – et, trois générations plus tard, Agnes est obsédée par le sujet. Illska parle de l’Holocauste et d’amour, d’Islande et de Lituanie, d’Agnes qui se perd en elle-même, d’Agnes qui ne sait pas qui est le père de son enfant, d’Agnes qui aime Omar qui aime Agnes qui aime Arnor. Dans un jeu vertigineux, Norđdahl interroge le fascisme et ses avatars contemporains avec une étonnante maîtrise de la narration. Illska est un livre surprenant et immense écrit par un homme jeune, mais appelé à devenir un grand, sans doute un très grand écrivain.

Mon avis :
Agnes est une jeune femme née en Islande mais d’origine lituanienne. Elle travaille sur son mémoire de fin d’études « une recherche sur le racisme populiste en Islande mise en perspective avec d’autres travaux sur les mouvements comparables dans le reste de l’Europe. » Son enfance est marquée par l’Holocauste. Deux fils de son arrière grand-père paternel catholique se sont engagés dans la police et la Gestapo en juin 1941.  » Ce sont ses fils. Une idéologie leur tient lieu de cerveau : ils ont asservi leur part d’humanité à des idéaux politiques qu’ils mettent en pratique sans se poser de questions. » Ainsi ils ont assassiné communistes et juifs dont l’ arrière grand-père maternel d’Agnes.
En voulant se confronter au nazisme en chair et en os, elle rencontre Arnor, un jeu néonazi cultivé né dans un environnement littéraire. Fondamentalement en opposition avec ses idées, elle apprécie toutefois d’aborder avec lui des sujets plutôt tabous.
Mais elle rencontre aussi Omar, un jeune homme marqué par le divorce de ses parents, à la recherche d’un ancrage après des études et des relations amoureuses difficiles.
Lorsqu’ Agnes tombe enceinte, elle redoute une paternité d’un néonazi même si selon Yockey  » l’identité nationale est déterminée par l’éducation et l’environnement bien plus que la génétique. » qu’elle préfère toutefois à l’hésitant Omar.
Au delà de ce dilemme amoureux et de l’histoire des familles de ces trois personnages, Eirikur Örn Norddahl affiche avec un regard impartial un panorama politique de l’Europe de la seconde guerre mondiale à nos jours. Le sujet est vaste avec une part conséquente sur l’histoire de Jurbarkas, ville lituanienne, sous dominance russe puis sous le joug du nazisme.
Mais la particularité de ce dense roman réside dans le style de l’auteur. J’avoue que les premières pages m’ont quelque peu déstabilisée, choquée. L’auteur parle du nazisme, du racisme avec une grande franchise, assénant des idéologies communes comme des postulats. Mais, au fil du texte, il est évident que l’auteur ne prend aucun parti.
Ensuite, l’auteur maintient en permanence une construction avec des alternances de récits, soit un chapitre actuel et un autre sur le passé d’un personnage ou à l’intérieur du même chapitre, une alternance de paragraphe. Tout cela sans aucune linéarité et avec quelques clins d’œil au lecteur.
Avec une approche assez atypique ( à l’image de l’auteur avec son petit chapeau et son sourire franc et clair), Eirikur Örn Norddahl nous ballade dans la grande histoire de l’Islande et de la Lituanie (voire de l’Europe) avec aussi un regard acéré sur les politiques actuelles, nous conte des histoires familiales marquantes avec toutefois un propension au bavardage (même si il est toujours intéressant, l’auteur écrit à l’instinct), ce qui pourtant donne une vision un peu expéditive du dénouement.
Il est difficile de conseiller ce livre tant il faut d’obstination pour l’aborder mais il me semble être une expérience de lecture intéressante et enrichissante pour de « gros lecteurs ». Sans avoir cette violence choquante et sans réel comparaison sur le thème, cette lecture m’a rappelé le roman de Jonathan Littell, Les bienveillantes.
Si vous avez envie d’un coup de froid islandais, lancez-vous.

Consultez l’avis de A l’ombre du noyer.

RL2015

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

4 septembre 2015 à 9 h 11 min

Malgré, comme tu le dis, quelques effets narratifs assez déstabilisants, je l’ai en effet beaucoup apprécié (https://charybde2.wordpress.com/2015/08/14/note-de-lecture-illska-eirikur-orn-norddhal/). En revanche, plutôt qu’aux Bienveillantes, il m’a un peu paradoxalement fait penser au Confiteor de Jaume Cabré.



    4 septembre 2015 à 9 h 14 min

    Peut-être mais je n’ai pas encore lu Confiteor qui est dans ma PAL. Il faut que je me dégage un créneau de quelques jours pour le lire. En tout cas, c’est une bonne référence si j’en crois les chroniques sur Confiteor.



4 septembre 2015 à 11 h 17 min

Belle chronique! Et merci pour le lien vers mon blog. 😉
J’ai également apprécié Illska qui sort vraiment de l’ordinaire. C’est le genre de lecture difficile mais qui fait du bien de temps à autre.



4 septembre 2015 à 15 h 09 min

Cette lecture me tente beaucoup, d’autant que je me rends compte de mon impressionante lacune en litterature islandaise. Merci pour cette decouverte! Ta chronique donne envie de s’y attaquer.



    4 septembre 2015 à 20 h 59 min

    Comme le dit l’auteur, les auteurs islandais mettent surtout en avant les paysages, le climat islandais. Eirikur Örn Norddahl se place davantage sur l’environnement politique. Même si ici il étend à d’autres pays.



4 septembre 2015 à 15 h 39 min

Les bienveillantes, quel souvenir de lecture !



4 septembre 2015 à 16 h 38 min

J’aimerais beaucoup le lire, il me tente énormément 🙂



4 septembre 2015 à 18 h 23 min

Je viens de l’acheter, comme mon ami m’en a parlé, je lui ai dit que ça pouvait faire penser à Confiteor, que j’ai adoré, pour sa construction incroyable, alors je pense que je vais aimer



4 septembre 2015 à 23 h 49 min

Je note ce livre qui t’a emballée



5 septembre 2015 à 15 h 54 min

Il est entre mes mains, je le lirai cette semaine je pense 🙂



8 janvier 2017 à 16 h 44 min

Sautera le pas… sautera pas le pas… J’arrive pas à me jeter à l’eau avec cet auteur…



15 décembre 2021 à 19 h 55 min

Détesté! Complaisant! Fuir le manichéisme, d’accord, mais coucher avec le néonazi!



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