Titre : A la folie

Auteur : Joy Sorman
Editeur : Flammarion
Nombre de pages : 288
Date de parution : 3 février 2021

Joy Sorman est une autrice à part dans le paysage littéraire français. En s’emparant de sujets marginaux comme l’animalité, les abattoirs ou ici, la folie, elle les transcende par son style, son intelligence et son originalité.

Pour produire ce témoignage, l’auteur a passé tous les mercredis pendant un an au pavillon 4B d’un hôpital psychiatrique. Dans ce récit rigoureusement construit, elle dresse le portrait de patients et soignants en ayant l’humilité de s’effacer pour leur laisser une libre parole. Ces parties plus romanesques équilibrent les déductions informatives sur l’ambiance de l’hôpital, l’évolution des traitements, le jargon médical, le manque accru de moyens, la place de la folie dans la société.

Joy Sorman livre une large consultation avec des patients de tous âges et souffrant de diverses pathologies, schizophrénie, dépression, bipolarité…
Franck a quarante ans. Depuis l’âge de dix-neuf ans, il revient régulièrement en hôpital psychiatrique. Il peine à être privé de sa part de magie et ne supporte pas de vivre dans une société aux dimensions réduites.
Julia souffrant de délire de persécution ou Esther, issue d’une secte ont tout juste la vingtaine.
De la même manière, côté  soignants, nous rencontrons Léa, une jeune interne ou Adrienne, agent de service depuis vingt ans et Fabrice qui a quarante ans de pratique en tant que psychiatre.
L’analyse se veut la plus large et réaliste possible.

De cette étude ressortent les maux de notre société et leurs évolutions ainsi que la baisse de qualité et de moyens des hôpitaux.

« On a coutume de dire qu’un schizophrène naît avec des gènes de prédisposition qui, à la faveur d’un accident de la vie, d’une enfance maltraitée, d’une overdose, éclosent, s’expriment, éclatent à la surface... »

En 1950, l’invention des neuroleptiques a mis fin aux hurlements et aux traitements électriques. Avec le manque de moyens grandissant dans les hôpitaux psychiatriques, on pallie toujours avec davantage de chimie. On ne soigne pas la folie, on tente de la stabiliser, on diminue la souffrance. Hors de l’hôpital, la maladie redevient abstraite. Le retour à la vie normale incite souvent à l’arrêt des traitements qui cause inévitablement la rechute.

Dès leur arrivée, les patients sont dépossédés de leurs biens personnels et revêtent l’informe pyjama. La rupture est claire et nette.
« La patient qui veut manifester un peu d’amour-propre, d’indépendance, de liberté…ne pourra le faire qu’en s’opposant à l’institution, et alors cet éclat, considéré comme une rebellion ne restera pas impuni. »

Les hôpitaux n’ont pas besoin d’être accueillant. Il faut éviter que les malades ne reviennent trop souvent. D’autant plus que certains sont dorénavant  internés pour des problèmes sociaux plus que médicaux. Des parents ou même la Présidence demandent l’internement de ceux qui ne savent plus faire face.

« de moins en moins de lits et de plus en plus de violence sociale, davantage de jeunes désabusés et suicidaires qu’on prend pour des psychotiques quand ils sont en réalité ravagés par les réseaux sociaux. Les maladies aussi ont évolué…» nous dit Fabrice, infirmier psychiatrique depuis quarante ans.

Les soignants regrettent la codification, le grand nombre de procédures au détriment de l’humanité et de l’écoute. Pourtant les patients ont surtout besoin d’attention. Ce qu’ils ne peuvent trouver dans une société qui dénigre tout ce qui n’entre pas dans la normalité. Mais la société ne devrait-elle pas s’occuper de ses fous? D’ailleurs qu’est-ce que la folie?

 « Nous sommes tous doués de folie, le seuil d’apparition des symptômes varie seulement d’un individu à l’autre en fonction des caractères biologiques, familiaux et sociaux» pense Barnabé, moine bouddhiste du soin.

Ce document d’une grande richesse et humanité se lit comme un roman grâce aux parcours de vie des patients et soignants que l’auteur nous présente. Un roman qui nous fait aussi réfléchir sur la folie et notre société qui la rend de plus en plus prégnante.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

16 mars 2021 à 10 h 44 min

Je suis intéressée, je vais voir si la médiathèque se l’est procuré.



belavalflorin
16 mars 2021 à 12 h 55 min

J’aimerais le lire, même si d’emblée un détail me fait tiquer: dès 1975 (au moins) les hôpitaux publics que j’ai connus ne faisaient plus porter d’uniforme mais les salles communes comptaient une vingtaine de lits et l’écoute n’existait pas. Quant au terme « folie » il y a longtemps que les psychiatres ne l’utilisent plus. En revanche les aspects sociaux m’intéressent beaucoup.





16 mars 2021 à 16 h 00 min

je n’ai pas trop envie… J’ai travaillé dans un HP pendant 3 ans (77 à80) et je n’ai jamais vu de patients en « pyjama », on les écoutait, on faisait des activités musique sorties encadrées… ce n’était pas l’enfermement tel qu’il semble décrit ici 🙂



    16 mars 2021 à 17 h 25 min

    Oui, elle parle des sorties, des activités, de la cafétéria ( un lieu de rencontre qui donne l’impression d’une vie normale comme à l’extérieur), mais beaucoup de ces choses ne sont plus possibles aussi facilement par manque de moyens humains. En tout cas dans cet HP.



17 mars 2021 à 17 h 41 min

Ce ne doit pas être un livre aisé de par le sujet. J’ai proposé à la BDP de l’acheter, je verrai



19 mars 2021 à 12 h 28 min

Un sujet qui ne me tente guère, mais tu as l’air convaincue.



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