Titre : Sister Deborah
Auteur : Scholastique Mukasonga
Littérature rwandaise
Editeur : Gallimard 
Nombre de pages : 160
Date de parution : 6 octobre 2022

 

Deux femmes, un même esprit

La figure de Sister Deborah s’appuie sur un fait réel. En 1927, une prophétie annonçait l’arrivée d’une femme noire surgissant d’un lac. Elle serait porteuse d’une graine miraculeuse qui éliminerait la famine et chasserait les Blancs.
Marcus, un pasteur évangélique repère une jeune fille dotée du don de méchanceté et de guérisseuse. Dans ses transes, elle parle une langue inconnue. Il voit en elle la prophétesse qui libèrera le Rwanda de la misère, de l’évangélisation et des colons.
Ensemble, ils installent leur mission sur une colline abandonnée à Nyanikenke. Le chef Ragagara leur a donné cet espace, au grand dam des Pères Blancs. Là, Sister Deborah, entourée de nombreuses femmes du village, soigne femmes et enfants du bout de sa canne, bâton magique de la reine des femmes.
Elle soignera la jeune Ikirezi, petite fille chétive amenée par sa mère qui ne croit pas en la médecine des Blancs. Des années plus tard, Ikirezi, bardée de diplômes européens, est devenue une éminente chercheuse africaniste. Lorsqu’elle rencontre Mama Nganga, alias Sister Deborah dans un bidonville de Nairobi, elle apprend que l’esprit de la guérisseuse est en elle.

C’est ton ventre qui portera Celle qui doit venir, notre Mère Afrique.

L’espoir pour les femmes rwandaises

 Scholastique Mukasonga est une admirable conteuse. Elle sait nous perdre dans les croyances, les rites africains. Tout est très visuel, porté par la magie. Ainsi, on imagine parfaitement Sister Deborah assise royalement en haut de la termitière, à côté d’un érythrine ( arbuste à fleurs rouges). Habitée par les esprits, elle donne l’espoir aux femmes fatiguées d’aller aux champs sous le joug des hommes. Maris, chefs impuissants face aux Pères Blancs et à l’administration coloniale.
Elle leur donne la force de s’opposer aux colons, aux Pères blancs.  La secte de Marcus rallie de plus en plus de fidèles, notamment des femmes. Même le nouveau chef, pourtant assujetti aux lois des Blancs, s’intéresse à elle.
Mais l’armée ne peut tolérer un tel danger. La secte sera dissoute. Sister Deborah disparaît. Est-elle morte, ressuscitée ? En tout cas, elle reste un emblème, un espoir pour toutes les femmes du Rwanda.

La forme de l’espoir

La promesse de la venue d’une femme noire «  une Madame Céleste qui répandrait, sur tout le Rwanda, une graine merveilleuse qui donnerait abondance de récoltes sans qu’on ait à cultiver » annonce enfin la fin de la servitude.
Un sauveur viendra et il faut maintenir l’espérance.

Et moi, je te dis qu’il faut continuer à l’attendre, à proclamer qu’il va venir tout en sachant qu’il ne viendra pas. Son éternité tient à son illusion.

Miss Jewels ( Ikirezi) est d’une autre génération. Celle qui, instruite des savoirs européens, garde au fond d’elle-même le respect des racines. Ce n’est peut-être pas un enfant, une future prophétesse qu’elle engendrera mais un livre fondateur sur le messianisme au féminin.
Car les livres sont porteurs de la parole qui font évoluer les esprits.

Un roman qui s’inscrit parfaitement dans l’univers de l’auteure franco-rwandaise. On y retrouve des personnages féminins forts, le poids de l’évangélisation et de la colonisation. Chaque fois, elle nous envoûte avec le fantastique des croyances millénaires.

 

 

 

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

3 novembre 2022 à 11 h 14 min

Je découvre ce nouveau livre de Scholastique Mukasonga et je ne doute pas que ce soit un beau récit comme elle sait si bien les écrire. Encore un livre qui me tente vraiment ! Merci et belle journée.



7 novembre 2022 à 16 h 05 min

J’ai du mal avec la littérature africaine, mais celui-ci a l’air passionnant.



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *