Titre : L’évadé
Auteur : Sorj Chalandon
Editeur : Grasset
Nombre de pages :
Date de parution :
Un enfant à l’abandon
Jules est le fils de Bonneau, un ouvrier agricole, blessé de guerre. Abandonné par sa mère il avait cinq ans, il ne lui reste d’elle qu’un ruban de soie grise qu’elle nouait dans ses cheveux. L’enfant est confié à ses grands-parents. Affamé, il vole des oeufs et ne doit son salut qu’à un gentil officier de police. Mais à 13 ans, entraîné par les frères Rolin, complice d’un incendie, il est arrêté et envoyé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne sur Belle-île.
Nous le retrouvons cinq ans plus tard en 1932, endurci par la violence des surveillants de ce bagne inhumain. Enragé, c’est en rêve qu’il imagine ses vengeances.
Tuer pour de faux était ma respiration. Ma stratégie pour survivre.
Une colonie pénitentiaire
Malgré l’appellation de « maison d’éducation surveillée » encadrée par des « moniteurs », la colonie pénitentiaire de Belle-île est un bagne sordide pour enfants. Les punitions sont violentes et fréquentes. Surveillants et détenus violentent les plus jeunes et les plus faibles.
Jules, surnommé La Teigne, ne se laisse pas impressionner. Il protège souvent le petit Camille Loiseau, un orphelin de treize ans.
Alors qu’un gardien bat Camille pour avoir mangé son fromage avent le repas, la Teigne riposte. Tous les colons en profitent pour mater les surveillants. C’est l’émeute et l’occasion d’une évasion massive.
Le prix d’un enfant
L’ évasion de cinquante six mutins de la colonie pénitentiaire de Belle-île en 1934 est un fait réel connu. Si l’histoire affirme que l’ensemble des évadés ont été vite repris, Sorj Chalandon, inspiré par certains documents dissonants, imagine un autre destin à La Teigne.
Malgré les battues des surveillants et des habitants de l’île prêts à dénoncer des enfants pour vingt francs argent, La Teigne aurait pu atteindre la mer, cette barrière naturelle infranchissable pour les mutins.
Y-a-t-il encore sur terre quelques gentils prêts à prendre des risques pour sauver l’enfant meurtri qui sommeille sous l’adolescent enragé ?
Ça n’existait pas, les gentils. Dans la vie il y avait les hypocrites, les menteurs, les sournois, mais jamais de gentils.
Si Jules côtoie avec Ronan, sa femme et ses marins pêcheurs, un autre monde fait de confiance et de bienveillance, le mal rôde toujours. Surtout en cette période d’avant-guerre.
– Il faut faire confiance aux autres, neveu.
Sa voix tranquille.
– Sans la confiance, tu es seul au monde.
Du réel au roman
Sorj Chalandon est à la fois journaliste et romancier. Son inspiration vient essentiellement de faits réels ou de sa vie privée. Ses récits prennent ainsi un accent de vérité. Ici, nous avons les détails d’une affaire, la précision des conditions de détention de ses enfants punis d’avoir été abandonnés par leur famille. L’auteur sait aussi ajouter des anecdotes marquantes, comme par exemple, la visite de Jacques Prévert et l’origine de son poème, La chasse à l’enfant.
Mais en tant que romancier, il sait manier les émotions. Et dans ce roman plus que jamais. Parce que l’on touche à l’enfance, sujet sensible et crucial pour l’auteur.
L’équilibre entre réflexion sur un sujet réel de société et la narration romanesque est parfois difficile à trouver. Avec L’enragé, le sentiment étouffe un peu l’affaire.
Sorj Chalandon est un romancier hors pair. Et ce livre le prouve une fois de plus. Mais il n’a pas la puissance évocatrice d’Enfant de salaud dans lequel chaque geste, chaque regard était chargé de sens. Il n’a pas non plus la force historique de romans comme Le quatrième mur ou Retour à Killybegs .
L’enragé fait partie des quatre finalistes en lice pour le Prix Landerneau des Lecteurs 2023.
Commentaires
c’est un personnage qui va me rester longtemps en mémoire !
Un roman qui fera un bon film
Très tenté par ce roman malgré la noirceur du propos peut-être nuancée par la qualité d’écriture de l’auteur 😊
Un grand écrivain, c’est sûr
Je le lirai comme tous les autres mais j’appréhende parce que je n’avais pas aimé ses deux précédents… pour un auteur qu’on admire, ça fait mal.
Ce n’est pas son meilleur, c’est sûr. Mais je suis un peu déçue par deux autres titres de la sélection