Sur la route de jostein

Titre : Jacaranda
Auteur : Gaël Faye
Editeur : Grasset
Nombre de pages : 288
Date de parution : 14 août 2024

Milan, franco-rwandais

Milan est né dans les Yvelines d’un père français et d’une mère rwandaise. En 1994 quand les images du génocide déferlent sur les médias, l’enfant est en sixième. Il ignore tout du passé de sa mère. Comment comprendre les terreurs nocturnes du jeune Claude, enfant de son âge que sa famille accueille pour quelques temps ? Murée dans son silence, sa mère ne parlera jamais de sa vie au Rwanda.
Le Rwanda, un pays qu’il va découvrir à seize ans. En effet, au divorce de ses parents, il se retrouve un peu obligé d’accompagner sa mère chez sa grand-mère maternelle pendant les grandes vacances.
Si il a la bonne surprise d’y retrouver Claude, il est dérouté par le manque de confort de son lieu de vacances. Il ne comprend pas la langue de sa grand-mère et redoute ses toilettes puantes. De plus, sa mère en mission à Butare, le laisse seul aux bons soins de Claude. Et c’est avec lui qu’il découvre le quartier, fait la connaissance du palais de Sartre, un lieu vivant et joyeux, empli de livres, de musique et d’orphelins. Un lieu où il se sent bien et où il reviendra toujours.

Les racines du Jacaranda

A son retour, la mère emmène Milan chez son amie Eusébie. Là, l’adolescent fait la connaissance de la vieille Rosalie et de Stella, un bébé de quelques jours. Avec la scène d’ouverture du roman, Stella symbolise tous ces enfants rwandais, attachés à leur terre, celle de ce magnifique jacaranda du jardin, mais ignorants du passé traumatique de leurs ancêtres.
Lorsque le jacaranda est abattu pour construire l’avenir, Stella perd son ancrage. Seuls la force des liens humains et la connaissance du passé peuvent aider ces enfants à se reconstruire suite aux années de silence.
Et Milan connaît bien ce vide créé par le silence de sa mère. Lui aussi errera au Rwanda pendant des années à la recherche de ses racines.

L’histoire du Rwanda

Huit ans après la parution de Petit Pays, Gaël Faye affirme ne pas écrire un nouveau roman sur le génocide rwandais mais un récit universel sur les répercussions de violences extrêmes.
Et pour cela, il évoque avec beaucoup de clarté l’histoire du Rwanda sur quatre générations de personnages. Rosalie, la centenaire, a la mémoire de la cour royale de Musinga, de l’arrivée des soldats allemands et des Pères blancs. Ce sont ensuite les vainqueurs belges qui instaurent la notion d’ethnies en mesurant les morphologies.

Ainsi, ils décrétèrent que ceux qui étaient grands et minces étaient des Tutsi et ceux qui étaient petits et trapus étaient des Hutu.

Eusébie porte en elle les massacres de 1994. Son témoignage est d’une horreur absolue. Mais il est d’une importance capitale pour que chacun se libère de son traumatisme.
Claude est de cette génération brisée qui a perdu toute sa famille et rêve de vengeance. Les tribunaux gacaca sont un premier pas vers la reconnaissance des victimes et la réconciliation.
Mais cela ne suffira pas aux générations représentées par Milan ou Stella. Tous ceux qui portent en eux le syndrome post-traumatique sans avoir connaissance du réel passé de leurs ancêtres.

La reconstruction

Gaël Faye part de la conscience d’un peuple inguérissable, d’un génocide résultant d’un racisme entièrement créé par l’homme blanc. Ce roman est celui d’une parole qui se libère, d’un témoignage poignant mais nécessaire, d’une voix prêtée à tous ceux qui se sont murés dans le silence.
Parce que la parole, les liens humains sont les seuls vecteurs de la reconstruction. L’auteur montre l’évolution d’un pays qui se modernise mais qui ne pourra grandir sans la parole et la réconciliation .
Un long chemin, difficile et douloureux mais nécessaire. Pour le Rwanda mais aussi pour tant d’autres pays plongés dans l’horreur de la guerre.