Titre : Ann d’Angleterre
Auteur : Julia Deck
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 256
Date de parution : 19 août 2024

 

Alternance de deux récits

Julia à la cinquantaine. Elle vit à Tours mais elle passe régulièrement à Paris chez sa mère âgée de quatre-vingt-cinq ans. Et ce matin d’avril 2022, elle trouve Ann inconsciente allongée dans la salle de bains. Victime d’un AVC, elle est transportée tardivement à l’hôpital, les examens ne sont pas très bons. Julia, pétrie de culpabilité et d’angoisse, préfèrerait que sa mère s’éteigne doucement sans souffrir.
Mais elle survit avec un handicap sévère. Commence alors pour Julia un parcours du combattant entre services sociaux, hôpitaux et maisons de retraite. Elle ne peut supporter qu’on laisse sa mère s’enfoncer dans la nuit, elle doit trouver un lieu de vie digne, un parcours de soin et de rééducation pour sa mère. Avec ce récit de l’instant présent, elle met en évidence le malaise hospitalier, et n’hésite pas à fustiger le corps médical et les services sociaux.

Son travail ne consiste pas à pratiquer la médecine mais à faire tourner les lits.

En parallèle, l’auteur retrace la vie de sa mère, une femme dynamique, libre et instruite.

Portrait d’une femme libre

Ann est née à Billingham en 1937 dans une famille ouvrière. Son père travaillait chez Impérial Chemical Industries. Olivia, sa mère, a toujours regretté de ne pouvoir faire des études. Aussi rêve-t-elle d’un bel avenir pour ses filles. Mais Betty, l’aînée préfère se marier rapidement avec un bellâtre dont elle aura deux filles, Kate et Alice. Après un divorce, elle s’enfonce dans la dépression et enchaîne les mauvaises unions.
Ann, elle, est studieuse. Boursière, elle intègre un lycée privé où elle côtoie les filles de la bourgeoisie. La jeune fille aime la mode et le cinéma. Elle poursuit ses études à l’université de Manchester.

Ann découvre qu’elle est marquée par l’empreinte du prolétariat, une foule de petits signes qui la trahissent sans cesse dans le milieu où elle évolue maintenant.

Après quelques excursions en Italie et en Bretagne, elle étudie à Paris, devient professeur et rencontre François Deck.

Relation mère/fille

Julia naît en mai 1974. Comme sa mère, elle aime la lecture et les études. Mais l’abandon de François laisse une épouse meurtrie et une fille morose.

De ces exemples, Julia retient qu’il y a dans l’amour quelque chose d’effrayant, une pente irrésistible qui laisse prise à l’autre pour vous détruire.

Ann se jette dans l’action, cumule quatre emplois, voyage pour ne pas sombrer. Julia enchaîne les thérapies. Et se lance avec succès dans l’écriture. Ce récit autobiographique est aussi le parcours de celle qui deviendra écrivaine.

Une petite phrase

Le récit commence avec l’accident vasculaire d’Ann mais aussi avec une petite phrase qui surgit dans l’esprit de Julia lors d’une promenade sur le sentier des douaniers. Une phrase qu’elle ne nous confie pas mais qui va guider son humeur. Une phrase dont on devine assez rapidement la teneur.

Est-ce un doute ou un fait avéré ? En fouillant le passé d’Ann ou en écoutant les divagations d’une vieille dame, Julia aura-t-elle une certitude ? Mais est-ce si important aujourd’hui de démasquer les secrets de famille ? Ne suffit-il pas de maintenir ce lien filial unique qui permet à une mère de bien vieillir et à une fille de grandir sereinement.

Je n’avais encore jamais lu Julia Deck malgré ma curiosité pour Monument national. Ici, le style est assez épuré. Des phrases courtes sans fioritures exposent froidement les faits. Ce qui, personnellement, ne m’incite pas à l’émotion. Par contre, l’auteur est assez cinglante, notamment envers les structures médicales de gérontologie et les services sociaux. L’enchâssement d’un récit narratif familial et d’une expérience de fin de vie donne un regard intéressant aux liens entre Ann et Julia. On a à la fois un beau portrait de femme et une vivante description des difficultés du vieillissement. La juxtaposition du portrait d’une femme forte, libre et intelligente avec le tableau éprouvant d’une vieille dame diminuée rend le vieillissement d’autant plus cruel.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

3 avril 2025 à 12 h 20 min

Contre toute attente, j’avais aimé cette lecture.



3 avril 2025 à 13 h 22 min

Je suis assez curieuse de découvrir cette autrice avec ce roman, mais je pourrais avoir le même ressenti que toi : le style très épuré risque de me tenir à distance. A vérifier !



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