Titre : La dignité des ombres
Auteur : Matthieu Niango
Éditeur : Julliard
Nombre de pages : 256
Date de parution : 15 avril 2021
Un auteur engagé
Après avoir travaillé dans plusieurs cabinets ministériels, Matthieu Niango, agrégé de philosophie, s’engage pour une nouvelle démocratie. Avec » A nous la démocratie« , créé en 2017, il entend bien encourager les citoyens à se présenter aux élections législatives pour prendre part à la décision politique trop professionnalisée. Cette vision politique est la toile de fond de son premier roman, La dignité des Ombres.
Science-fiction …
L’action se passe dans un futur très éloigné. Bien après plusieurs pandémies, bouleversements climatiques et révolutions. La cité de Nimrod et ses quelques colonies environnantes sont organisées en « ordres ». Les Lumineux, en charge du feu, sont les plus élevés dans la hiérarchie. Viennent ensuite les Chantres, chargés de l’éducation des nimrodiens. Puis les Porte-Lumières, en place à la sécurité et aux tâches administratives. Les Luminés composent la classe ouvrière. Viennent enfin les Ombres, interdits de travail et de vie civique. Une fois par an, le Grand Concours permet aux Ombres d’intégrer un ordre supérieur. Mais chacun peut être déclassé sitôt qu’il est moins performant qu’une machine.
Le feu représente le pouvoir de la cité dans cet environnement où l’année est séparée en deux temps, Le Grand Jour, mois de lumière perpétuelle et la Grande Nuit pendant laquelle il faut se protéger des goules, animaux dégénérés suite aux expérimentations génétiques, à l’aide de Torches. Un Conseil de médiateurs dirige la cité. Euthronos, conservateur népenthiste est le Premier conseiller.
…et thriller
En cette période où quelques progressistes favorables à l’amélioration des conditions de vie des Ombres se réveillent, plusieurs délits se produisent à Nimrod. Tout commence par un vol de Torches, puis la disparition et même la mort de jeunes gens. Sur les lieux des crimes, Cham repère un étrange symbole, un croissant de lune au-dessus de cinq bâtons barrés. Les graffitis « AN » refleurissent sur les murs.
S’en prendre aux Torches, c’est cracher au visage de ceux qui sont morts pour que vive Nimrod.
Cham, un Porte-Lumière plutôt mélancolique et Gidéon sont chargés de l’enquête.
Un récit rythmé
En suivant l’enquête de Cham, parfois relevée par l’humour de sa compagne Naaman, nous découvrons le fonctionnement de la cité. L’auteur ne manque pas d’imagination. On découvre les règles du Grand Concours, les principes d’éducation, l’histoire du pays avec ses deux révolutions et l’extermination des juges, l’origine des goules.
Quand le doute assombrit l’avenir, il faut rappeler lourdement l’histoire.
Bien que légèrement compliquée, l’organisation du pouvoir et de ses conséquences sur la vie des populations est particulièrement bien imaginée. On plonge vraiment dans un autre monde mais toujours avec quelques références aux dérives du pouvoir et à la défense de la démocratie.
Qui veut comprendre les fanatismes devrait s’en prendre aux frayeurs qui les font naître.
Un premier roman maîtrisé
Même si je ne suis pas dans mon domaine de prédilection, l’auteur m’a ferrée dans son monde. La lecture suscite instantanément des scènes cinématographiques qui seraient, pour moi, sûrement moins supportables. La dignité des Ombres est un roman ambitieux, imaginatif et bien mené.
Commentaires
Pourquoi pas? cela m’a l’air d’une jolie découverte 🙂
Oui et ça a le mérite de se démarquer des sujets rebattus parfois dans la littérature contemporaine française
j’hésite…je ne vais par là que par contrainte d’un de mes groupes; réfléchir sur la démocratie dans le monde actuel est urgent mais par le biais de la SF…?mais il y a eu Orwell et Huxley entre autres et même Platon dont il m’arrive de partager sa critique de la démocratie: la majorité, non éclairée, est-elle en mesure de mener un pays? Le taux d’abstention et certains votes me laissent tristement songeuse.
on rappelait récemment Matin Brun, la Vague et j’avais ajouté Celui qui n’aimait plus les chats…
La dystopie est un excellent moyen de montrer du doigt les dérives de nos sociétés. L’exercice de la démocratie est un vaste débat. Peut-on gouverner en instaurant la peur et l’exclusion d’une partie de la population jugée inutile dans la chaîne de production? Elites ou voix du peuple? Un équilibre est à trouver sans doute avec à la base l’éducation et le respect. En tout cas, c’est un premier roman divertissant qui fait réfléchir
Pas certaine qu’il me plaise, le contexte ne me tente pas.