Titre : Avec Bas Jan Ader
Auteur : Thomas Giraud
Éditeur : La Contre Allée
Nombre de pages : 192
Date de parution : 20 août 2021

 

Le présent du récit

Bas Jan Ader s’apprête à faire la traversée de l’Atlantique à bord d’Ocean Wave, un petit guppy 13 de 3,81 mètres. C’est de la folie, voire du suicide.

Il ne s’agit pas d’un plaisir gratuit de la souffrance mais plutôt pour qu’il y ait un cheminement, que cette grande ligne droite de l’océan traversé ne te rende pas identique aux tiens et à toi-même, que la chose belle s’obtienne avec du travail, dans tous les sens du terme, de l’humilité et du hasard aussi.

Car Bas Jan Ader (1942-1975) est un artiste de performance. Cet hollandais exécute un programme de recherche intitulé In search of the miraculous. La première étape consistait à prendre douze photos de nuit à Los Angeles. La dernière sera de faire un trajet en ferry-bus de l’Angleterre au Pays-Bas.

L’inspiration de cet artiste singulier

Bas a deux ans quand son père, le pasteur Bastiaan Ader tombe sous les balles de soldats allemands en 1944. Cet homme aidait les juifs à fuir l’Allemagne. Il est mort en héros. Thomas Giraud décrit la chute lente du père foudroyé dans la forêt. Bas était bien trop jeune pour la saisir. Peut-être sera-t-il influencé par le livre écrit par sa mère en hommage à son mari en lien avec toutes les personnes sauvées par ce héros. Mais cette chute hante le parcours de Bas.

Son parcours

L’auteur bride autour de l’originalité de l’artiste. Étudiant aux Beaux-Arts, l’adolescent ne dessine pas mais efface encore et toujours la même feuille. Il  inscrit son art dans la chute, la recherche du centre de gravité, de l’équilibre. Sue, sa femme le filme tombant d’une chaise, d’un toit ou d’un vélo lancé dans le canal d’Amsterdam.

Ce qui compte, c’est de montrer comment quelqu’un tombe, la manière dont on passe du déséquilibre au basculement, ces quelques grammes qui équilibraient tout le corps sur une ligne très fine et entraînent, t’entraînent, à présent vers le sol.

Bas est tous ceux qui tombent, tous ceux qui pleurent. C’est une manière de se rapprocher de ce père, ce héros inégalable qu’il n’a pas connu.

Un artiste oublié

Je ne connaissais pas cet artiste disparu en mer entre Cap Cod et l’Irlande. Thomas Giraud en fait ici  un être sensible, hanté par la disparition du père. Un père peu connu dont il retiendra l’héroïsme et la chute. Deux choses qui vont construire son parcours d’homme et surtout d’artiste. Celui que ses amis appellent « le pitre mélancolique » fait de sa blessure un art conceptuel. Dans un récit intime, centré sur les émotions de Bas, j’ai peiné à retrouver les traces réelles de l’artiste. Et c’est peut-être dommage. Car l’œuvre originale et peu connue de Bas Jan Ader aurait pu être davantage mise en valeur. Toutefois, je comprends le souhait de l’auteur de montrer le côté insaisissable d’un artiste. Et puis, un roman est une porte ouverte vers la connaissance. Libre au lecteur de pousser la porte et de chercher davantage d’informations sur son art.

Lu dans le cadre du jury pour le prix du Roman Fnac.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

6 septembre 2021 à 10 h 45 min

J’ai eu un ressenti différent du tien et Thomas Giraud, dont j’ai beaucoup aimé la plume, m’a poussée en savoir plus sur cet artiste, ses motivations, son travail et pour ma part j’aime quand un(e) auteur(e) m’ouvre des horizons inconnus sans compter que la personnalité et son côté secret m’a beaucoup touchée…. 🙂



    6 septembre 2021 à 12 h 57 min

    Oui je me souviens de nos échanges lors de la parution de ta chronique et au sujet du roman de Céline Minard. Des horizons inconnus à découvrir! Le livre de Thomas Giraud m’a poussée à en savoir davantage sur Bas Jan Ader que je ne connaissais pas. Rien que pour cela je le remercie.





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