Titre : Propre
Auteur : Alia Trabucco Zerán
Littérature chilienne
Titre original : Limpia
Traducteur : Anne Plantagenet
Editeur : Robert Laffont
Nombre de pages : 272
Date de parution : 22 août 2024
Un monologue et une mort annoncée
Depuis ce que l’on imagine une prison, Estela Garcia raconte à ses juges une histoire à plusieurs débuts. Mais avec une seule fin, la mort d’une fillette.
Vous avez entendu cette fois ? La fillette meurt et elle reste morte, quel que soit le début.
Ce qui étonne en premier lieu, c’est le ton de ce récit. Ce sont des aveux sincères, puissants, erratiques mais maîtrisés et d’une simplicité émouvante. Et l’on s’accroche à cette voix. Nul doute, ce roman psychologique est haletant et addictif.
Une employée de maison modèle
Estela a quitté le sud du Chili où elle vivait avec sa mère. Être employée de maison à Santiago est une belle opportunité. Elle travaillera quelques années pour amasser suffisamment d’argent. Son rêve est de faire des travaux dans la maison de sa mère à Chiloe. En attendant, elle confie la vieille femme aux bons soins de sa cousine.
En arrivant chez ses patrons, doña Mara López et don Juan Cristobal Jensen, l’accueil la surprend. De manière assez méprisante, ses patrons la loge dans une chambre à côté de la cuisine et lui procure un uniforme pour chaque jour de la semaine.
En plus de la maison, Estela s’occupera de Julia, la fille de ses patrons. Avec des parents dysfonctionnels, Julia devient une enfant intelligente mais étrange et odieuse.
Un jour elle a demandé à sa mère pourquoi elle ne me prêtait pas son maquillage.
Pour qu’elle soit plus blanche, a-t-elle dit.
Propre.
En mimétisme de ses parents, Julia a bien vite compris la notion de classe sociale. Et que « pour être la première, il faut toujours éliminer les autres. »
Un piège inévitable
Estela Garcia est une employée modèle. Consciencieuse, elle accepte les ordres de ses patrons malgré leur mépris constant. Elle ne pourra pas retourner chez sa mère pour Noël ou le Nouvel an. Ni quand celle-ci aura un accident.
Sa seule compagnie est celle du chien d’un jeune homme qu’elle croise à la station service en allant faire les courses. Elle se prend d’amitié pour ce chien affamé, en manque d’amour comme elle. Mais elle doit le faire en secret. « Et rien ne pèse autant qu’un secret. »
Avec des détours mais des détails essentiels, Estela raconte comment la situation devient insupportable, tragique.
Ce qui définit une tragédie, a dit la femme, c’est qu’on connaît toujours la fin. Dès le début, on sait qu’Oedipe a tué son père, couché avec sa mère, et va devenir aveugle. Pourtant, va savoir pourquoi, on continue de lire. On continue de vivre comme si on ignorait quelle sera la fin.
Et c’est ce qui se produit avec ce roman puissant, angoissant et haletant. On continue de lire avec un grand intérêt. Un monologue d’une grande sincérité qui montre le caractère insidieux du mépris social.
Une belle découverte.
Commentaires
Les romans monologues ont tendance à me rebuter. Mais tu as l’air conquise par celui-ci, alors pourquoi pas.
J’ai surtout aimé le ton de ce monologue. Des accroches qui le rendent agréable