Titre : Le testament de Sully
Auteur : Richard Russo
Titre original : Somebody’s fool
Traducteur : Jean Esch
Editeur : La Table Ronde
Nombre de pages : 544
Date de parution : 2 janvier 2025
Troisième volet de la trilogie
Qui pourrait reprocher à Richard Russo de prendre son temps pour écrire cette trilogie ? Débutée en 1995 avec Un homme presque parfait, on y faisait la connaissance de Sully et de la ville de Bath. En 2017, l’auteur revient à Bath avec À malin, malin et demi. La rivalité avec la ville voisine, Schuyler Springs, s’intensifie. Et l’on découvre un autre pilier de cette petite ville, Douglas Raymer, le chef de la police.
Dix-huit ans après, c’est avec bonheur que nous revenons dans cette petite ville animée, cette fois annexée par la dynamique Schuyler Springs.
L’auteur trouve la bonne narration pour mener sa nouvelle fiction tout en accompagnant le lecteur dans le souvenir. Et la mémoire revient rapidement tant les personnages étaient marquants. Se souvenir des évènements précédents fait partie du plaisir de lecture de ce troisième opus. Comme lorsqu’on retrouve d’anciens amis et que l’on parle du passé, qu’il soit heureux ou dramatique.
La communauté de Sully
L’empreinte de Sully marque toujours Bath. Son fils Peter occupe désormais le tabouret du vieil homme à la White Horse Tavern. Avant de mourir, Sully lui avait demandé de garder un œil sur ses protégés. Ainsi, il retape la maison de Miss Béryl, dont Sully avait hérité avec le vieux Rub. Et il garde un œil sur Tina, la petite-fille autiste de Ruth, la maîtresse de Sully. Et même sur Carl, l’ex-mari de sa petite amie.
Mais sa vie prend un tournant le jour où débarque Thomas, un de ses fils élevés en Virginie par sa femme et son mari violent. Lors du divorce, Peter avait choisi de prendre Will, son fils aîné. Laissant la garde des deux autres à sa femme. Will, bien élevé et chéri par Sully, est devenu un étudiant brillant, aujourd’hui installé à Londres. Thomas n’est qu’un délinquant revanchard.
Ce nouvel opus remet aussi en scène Douglas Raymer, ancien chef de la police de Bath. Avec l’annexion par Schuyler Springs, il a refusé de rejoindre les équipes de la ville rivale, laissant la place de chef à sa subordonnée et amante, Clarice Bond. Mais il se retrouve tout de même engagé dans l’enquête sur le pendu retrouvé à l’hôtel du Sans Souci, vieux château difficile à vendre. Et il a aussi la charge de remonter le moral à Jérôme Bond, en proie à sa condition de jeune noir convoité par les femmes blanches.
L’ambiance Russo
Les romans de Richard Russo sont toujours profondément humains. L’auteur et les lecteurs prennent un plaisir partagé à retrouver tous les personnages de cette ville provinciale et nostalgique. Dans cette ville endormie où il se passe toujours quelque chose, chacun a ses névroses, ses regrets amers et un certain pessimisme.
Pourtant l’auteur à cette volonté de chercher en chacun la possibilité d’une étincelle d’humanité. Car chez Russo, rien n’est jamais vraiment noir ou blanc. L’homme à cette complexité, ses doutes qui le rend humain.
Avec une brillante narration, un sens de l’humour implacable, des dialogues savoureux, Richard Russo nous emmène avec délectation dans son petit monde. Une Amérique où la fracture raciale persiste, où une partie de la population souffre depuis la crise des subprimes, où règnent la corruption et le lobbyisme. Mais où certains gardent espoir en l’humanité malgré la violence ambiante. Le testament de Sully réside en cette phrase.
Fais quelque chose. N’importe quoi. Si ça ne marche pas, essaie autre chose.
Commentaires
Meilleurs voeux! Continue à défricher pour nous.
Aujourd’hui, j’ai pioché dans ma pal…cela fait du bien de temps en temps.
Là j’avoue que je suis attirée par quelques nouveautés mais je prévois aussi quelques lectures de PAL
30 ans pour écrire cette trilogie ? Et pourquoi pas.
Bon, on l’excuse, il a écrit de très bonnes choses entre temps 😂
Et je comprends qu’il ait eu envie de retrouver ce lieu et ces personnages ! C’est aussi très bien pour nous
J’ai la chance de ne pas avoir commencé cette trilogie et donc de pouvoir lire ses différents tomes d’affilée à présent (ou en tous de manière rapprochée). Les personnages ont l’air attachant et tu m’as donné envie de les connaître !
Oui c’est un avantage.
C’est un peu comme Les enfants de Longbridge de Jonathan Coe : un lieu, une communauté et l’envie de l’auteur d’y revenir des années plus tard.
Il y a beaucoup de points communs entre ces deux auteurs