Sur la route de jostein

Titre : Le cri de la cigogne
Auteur : Jean-Charles Chapuzet
Éditeur :  Robert Laffont
Nombre de pages : 336
Date de parution : 26 août 2021

 

Un drame d’enfance

Que s’est-il passé le 15 octobre 2006 à Olaszhalom? Ce jour où la famille d’Eva se rend dans la région du Tokaj  chez une amie de la mère. Le père, professeur d’histoire, prend en charge un auto-stoppeur, un étranger venu faire les vendanges. Plus tard, accompagné de ses deux enfants, Eva et Laci, il va acheter une bouteille de vin. En chemin, ils visitent des lieux empreints d’histoire. Là où les synagogues sont détruites et où nichent les cigognes. Le drame est là, imminent. Eva ne pourra le confier qu’à la fin du roman. Mais il va marquer toute sa vie.

 

Une vie qui défile en parallèle

Entre temps, on suit Eva sur différentes périodes de sa vie. Nageuse d’exception, ses souvenirs affluent en apnée lorsqu’elle est au fond de la piscine. A quinze ans, elle s’enivre et se drogue. A dix-sept ans, elle est amoureuse de Tibor, un néo-nazi de vingt-neuf ans. Elle se rase la rête, se fait tatouer. Elle participe aux manifestations anti-migrants. Cette partie est particulièrement violente et nauséeuse.

Chacun trimballe ses démons comme il peut.

Fort heureusement, Eva a ses refuges. Notamment son grand-père paternel, Andras et son frère, malgré leurs divergences sur la politique de Viktor Orban.

Toile de fond, la Hongrie

A l’issue de la première guerre mondiale, la Hongrie perd les deux-tiers de son territoire. Andras a participé au soulèvement de 1956 contre le régime communiste, un soulèvement qui ne sera commémoré qu’en 1989. Si le père est un démocrate, la mère reste une nostalgique de l’empire austro-hongrois. Avant la seconde guerre mondiale, les Magyars ont participé à la déportation des juifs et des tsiganes, ils ont détruit les synagogues. Sous le régime de Kadar, les tsiganes se sont sédentarisés dans le nord de la Hongrie. Ils représentent une main-d’œuvre bon marché pour les vendanges. Aujourd’hui, la Hongrie est un lieu de passage pour les migrants.

Un roman âpre mais intéressant

Jean-Charles Chapuzet s’empare ici de faits divers. En 2008 et 2009,  plusieurs tsiganes de villages du nord-est de la Hongrie ont été tués par des néo-nazis hongrois. Le journaliste s’émeut de cette histoire et se risque à en faire une fiction. Pour cela, il se met dans la peau d’une jeune femme, Eva. Marquée par un drame d’enfance, la jeune fille affiche sa haine assez brutalement dans ses attitudes, ses engagements, son langage. Elle n’en devient pas un personnage très attachant, surtout quand elle flirte avec les néo-nazis. Mais son attitude est justifiée par le récit de l’auteur. Sans cautionner, je comprends. Et c’est un beau parcours de résilience avec le soutien de personnages plus touchants comme Andras ou Laci. Si ce roman n’est pas toujours facile à lire, il offre une vision très intéressante sur le passé et le présent de la Hongrie.

Lu dans le cadre du jury pour le prix du Roman Fnac.