Titre : 7 femmes
Auteur : Lydie Salvayre
Éditeur : Perrin
Nombre de pages : 240
Date de parution : avril 2013
Auteur :
Lydie Salvayre est l’auteur de douze romans, parmi lesquels La Déclaration (Prix Hermès du premier roman), La Compagnie des spectres (Prix Novembre, aujourd’hui Prix Décembre) et BW (Prix François-Billetdoux). Ses livres sont traduits dans une vingtaine de langues. Certains ont été adaptés au théâtre.
Présentation de l’éditeur :
Sept portraits intimistes et enlevés des plus grandes figures littéraires et féminines du début du XXe siècle.
Sept femmes. Sept allumées pour qui l’écriture n’est pas un supplément d’existence mais l ‘existence même. Sept œuvres dont la force e t la beauté ont marqué Lydie Salvayre et décidé pour beaucoup de sa vie. Sept parcours, douloureux pour la plupart, dont elle suit les élans, les angoisses, les trébuchements et les fragiles victoires.
Mon avis :
Emily Brontë, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf, Colette, Sylvia Plath, Ingeborg Bachmann, Djuna Barnes.
» J’étais simplement portée par le désir de faire durer encore l’émotion que j’avais éprouvée à les lire, et de me tenir en quelque sorte, affectueusement (je m’arrogeai ce droit), à leur côté. »
J’avais un peu le même sentiment lorsque j’ai découvert que Lydie Salvayre avait écrit un livre sur ses sept femmes de lettres. » sept allumées pour qui écrire est toute la vie. » Tsvetaeva avait même inventé ce mot qui les définit si bien « vivrecrire ».
Pour tous ceux et celles qui ont aimé les livres de ces auteurs, vous prendrez plaisir à en comprendre les inspirations. Mon seul regret est que chacune aurait mérité un livre à part entière et que les quelques dizaines de pages consacrées à chaque femme passionnée et passionnante me semblent trop courtes.
Emily Brontë est née dans le Yorshire et elle sera tellement attachée à son Haworth natal que chaque éloignement la rend malade. Un père pasteur, une famille décimée par la tuberculose, un frère prometteur qui sombre dans l’alcool, c’est une enfance difficile mais centrée sur l’imagination (lecture de journaux et romans noirs)qui forgera son caractère. Elle possède une grande force qui l’amène à soigner une morsure de chien en appliquant un pique-feu sorti des braises sur la plaie sans lâcher une seule plainte. Tout le monde connaît Heathcliff, le héros du roman Les hauts du Hurlevent, cet homme « sauvage, orgueilleux, métaphysique, asocial et d’une intransigeance implacable. » Si ce roman fait scandale a l’époque, il sera un siècle plus tard désigné » comme le plus grand roman d’amour de tous les temps. » Son frère et elle, meurent de la tuberculose en 1848.
Djuna Barnes est américaine, née d’un père volage et d’une mère soumise. Elle est élevée à la campagne comme un garçon avec ses quatre frères. Devenue journaliste, elle débarque à Paris en 1920 et rencontre tous les américains et anglais de Paris ( Joyce, Man Ray, Hemingway…). Elle est à la fois élégante et fruste. Elle fréquente les américaines lesbiennes et emménage avec Thelma Wood. Leur rupture la fera sombrer dans l’alcool.
» Djuna Barnes trouva-t-elle dans sa relation à Thelma le malheur qu’elle cherchait. »
Dans son roman Les bois de la nuit on retrouve les personnages qu’elle rencontre, notamment Thelma en Robine et Dan Mahoney, un ami homosexuel lui inspire le Docteur O’Connor. Lorsqu’elle rentre aux Etats-Unis avec pour seule ressource la pension de Peggy Guggenheim, elle s’isole complètement, tombe dans l’aigreur, ne mange plus jusqu’à mourir seule à 90 ans.
Sylvia Plath connaît le bonheur lorsqu’elle épouse Ted Hughes. Mais les blessures de l’enfance sont profondes ( perte douloureuse de son père). Elle a un besoin profond de réussite et le refus des éditeurs l’amène à sa première tentative de suicide. Le succès de Ted la dévalorise encore davantage. Lorsque leur union prend fin, Ted ayant succombé aux charmes d’Assia poète elle aussi, Sylvia se retrouve seule avec deux enfants dans le triste Devon. Ses poèmes deviennent alors encore plus ironiques et violents.
» Que les plus beaux poèmes de Plath soient nés dans cet état d’extrême souffrance, dans cette tête piétinée, saccagée, à vif, ne cesse encore de m’interroger. » En 1963, installée à Londres dans la maison où Yeats a vécu, elle se suicide en ouvrant le gaz. Ariel, son dernier recueil de poèmes sera un succès posthume. La cloche de détresse pourtant passé inaperçu à sa sortie deviendra ensuite un best-seller.
Colette est un être qui manie l’ambiguïté. Elle préfèrera au soir de sa vie l’amour de la nature à celui des hommes. Sa mère, Sido l’élève dans l’esprit de la liberté et de la découverte. Son père est plus effacé mais elle l’aime beaucoup parce que, comme elle, il rêvait d’écrire. Après son mariage avec Willy, elle mène une vie excentrique au cœur de la Belle Epoque. Les infidélités de son mari la poussent vers l’homosexualité et elle enchaîne les scandales. Elle se marie avec le baron de Jouvenel qui lui confiera ensuite la gestion de son journal, Le matin et prendra son beau-fils comme amant. L’auteur définit l’originalité de son style à » la tournure gracieuse d’une phrase, à l’usage insolite d’un mot, au chic d’une expression. »
Marina Tsvetaeva vit successivement en Russie et en France. Elle refuse d’adhérer aux règles sociales, et refuse tous les camps et toutes les églises. Elle se marie en 1911 avec Sergueï Efron mais aura ensuite de nombreuses aventures tant avec des hommes que des femmes. Elle entretient une amitié épistolaire avec Boris Pasternak qu’elle reniera quand il s’engagera auprès de Staline. Lorsque son mari et sa fille sont soupçonnés d’appartenir aux services secrets français, elle retourne en Russie. Sergueï est fusillé, sa fille emprisonnée. En 1941, considérée comme une ennemie du peuple, brutalisée par les agents du NKVD, elle préfère mettre fin à ses jours.
Virginia Woolf n’a jamais pu affronter la mort. Elle en rit pour ne pas la voir. Et la mort la poursuit puisqu’elle perdra sa mère, sa sœur Stella opprimée par son père, son frère et un jeune neveu tué par les franquistes. Bien qu’antisémite, elle épouse un juif peut-être parce qu’à 29 ans après avoir flirté avec le mari de sa sœur, elle doit se caser. Elle est à la fois mondaine et solitaire. Ecrire est sa seule façon de ne pas devenir folle mais lorsque le livre est terminé elle sombre dans la mélancolie, déçue par le résultat. Après la mort de son jeune neveu, rattrapée par la folie, elle se noie dans l’Ouse, les poches remplies de pierres.
Ingeborg Bachmann est la plus moderne. Elle aussi est tiraillée par un dilemme. Elle est déchirée entre un père qui adhère au parti national socialiste et son amour pour Paul Celan juif interné en camp de travail dont les deux parents sont morts en déportation. Contrairement à Emily Brontë, elle renie son pays, l’Autriche « où l’horreur nazie a fait régner une nuit profonde » et déménagera treize fois dans différents pays d’Europe. Le suicide de Celan et sa séparation avec l’écrivain Max Frisch la plongent dans la dépression. Elle abuse des somnifères et trouvera la mort à Rome en 1973. Elle défendait une littérature ancrée dans la réalité et enrichie des plumes d’autres écrivains.
Sept femmes marquées par un pays ( Emily Brontë avec son cher Haworth, Marina Tsvetaeva brisée par le régime de Staline, Ingeborg Bachmann fuyant l’Autriche nazie), par un père ignoble ( Virginia Woolf, Ingeborg Bachmann, Djuna Barnes), par la mort de proches ( Emily Brontë, Colette, Ingeborg Bachmann, Marina Tsvetaeva), par leur besoin d’être reconnue pour leur art ( Sylvia Plath, Marina Tsvetaeva), par des liaisons sulfureuses ( Djuna Barnes, Colette) mais surtout par un besoin d’écrire pour exister, pour ne pas sombrer dans la folie, pour témoigner, pour défendre le droit des femmes (qui souvent devaient écrire sous un pseudonyme masculin pour espérer être publiée).
Lydie Salvayre nous parle de ses femmes dans un style très agréable qui mêle citations de leur œuvre et souvenirs, réflexions personnelles. Ces récits montrent la reconnaissance de l’auteur pour ces sept femmes, sa passion pour la littérature. Et je note cette phrase qui explique l’addiction de certaines lectrices dont je fais partie:
» car un auteur aimé vous amène vers ses livres aimés, lesquels vous amènent vers d’autres livres aimés, et ainsi infiniment jusqu’à la fin des jours, formant ce livre immense, inépuisable, toujours inachevé, qui est en nous comme un cœur vivant, immatériel mais vivant. »
Je remercie les Editions Perrin pour la lecture de ce livre qui me donne envie de redécouvrir quelques œuvres de ces sept femmes de lettres.
Les Hauts du Hurlevent d’Emily Brontë, Malina d’Ingeborg Bachmann, Les bois de la nuit de Djuna Barnes, Orlando de Virginia Woolf, Sido de Colette, Mon Pouchkine de Marina Tsvetaeva, Ariel de Sylvia Plath.
Commentaires
Après avoir lu « La marche du cavalier » où Geneviève Brisac s’interroge sur la littérature féminine, j’ai très envie de lire celui-ci.
J’aime bien ce genre de découvertes. Je note aussi le titre de Geneviève Brisac. Merci
Bof, pas tentée par cette forme littéraire.
Il faut aimer le style « Nouvelles » mais personnellement j’apprécie de plus en plus. Même si je connaissais les grandes lignes des vies de Sylvia Plath et Virginia Woolf, j’ai découvert d’autres grandes dames. Je ne voyais pas Colette sous ce jour, par exemple. Et je ne connaissais pas Bachmann et Tsvetaeva
Ah oui, tu as plus de problèmes que moi sur overblog !!!
je réfléchis où migrer
Je t’avoue que c’est ma fille qui m’a fait migrer sur wordpress qui est assez facile à exploiter.
Une lecture ui doit être riche de connaissances 🙂
Bonne soirée bises
Oui. Même si j’avais déjà lu la vie de,Sylvia Plath dans le roman De Claude Pujade-Renaud, La femmme du braconnier, j’ai appris plein de choses. Notamment sur la vie de Colette, personnage que je n’imaginais pas du tout comme cela et sur Tssvetaeva et Bachmann que je ne connaissais pas du tout.
Coucou
Un livre intéressant que j’avais découvert sur une émission télé littéraire.
Ton avis me donne envie de le découvrir.
Il m’a donné envie de découvrir quelques oeuvres de ces dames.
Je n’aime pas beaucoup les biographies, mais pourquoi en pas découvrir les oeuvres de ces dames!
Ce ne sont pas vraiment des biographies puisqu’il n’y a que quelques dizaines de pages par auteur. Lydie Salvayre dégage les évènements essentiels de leur jeunesse et de leur vie qui déterminent leur caractère et marquent leurs oeuvres. La vie de chacune pourrait faire un roman.
Une nouvelle lecture en vue, merci pour la présentation de ces 7 portraits de femmes.
A bientôt
Je n’ai jamais fait une chronique aussi longue mais je tenais à parler de chacune de ces femmes. A bientôt