Titre : L’inventeur
Auteur : Miguel Bonnefoy
Editeur : Rivages
Nombre de pages : 208
Date de parution : 17 août 2022

 

Un génie oublié

Qui se souviendra d’Augustin Mouchot ? Né en 1805, sixième d’une grande fratrie, Augustin est un enfant souffreteux. Au lit jusqu’à trois ans, il développe ensuite une allergie au soleil. Et pourtant, incapable de devenir serrurier comme son père, il mettra ses études au bénéfice de son attrait pour le soleil.
Instituteur puis professeur de mathématiques, il profite en 1860 de l’immense bibliothèque de son logeur. L’ouvrage de Claude Pouillet sur l’énergie solaire va sceller son destin.

Sous l’hiver d’Alençon, ce 4 mars 1861, Mouchot ne soupçonnait rien du destin fabuleux qui le guettait quand, alors qu’il n’avait que trente-cinq ans, il déposa son premier brevet sur l’utilisation de l’énergie solaire, qu’il appela héliopompe.

Génie de l’ombre ou fou illuminé, il ne vit plus que pour mettre au point son invention. Ses premières démonstrations tombent à l’eau sous les nuages. Mais il finit par intéresser le commandant Verchère, en quête d’un réchaud sans fumée pour réchauffer les rations des soldats. Et Verchère lui ouvre les portes de Bonaparte.

Des inventions sacrifiées

Il était un homme de l’ombre tourné vers le soleil au milieu d’un siècle lumineux tourné vers le charbon.

Malgré un succès retentissant lors de l’Exposition Universelle de 1878, en partie grâce à son nouvel associé Abel Pifre, la machine baptisée Octave est jugée « non rentable ».
Même si Augustin Mouchot publie un livre pour soutenir son invention, part en Algérie pour mesurer les performances sous un soleil de plomb, l’énergie solaire ne convainc pas face aux nouveaux gisements de charbon.
Comme bon nombre d’artistes et de génie, Augustin finit sa vie oublié de tous et misérable.
A la lecture de cette biographie romancée, je ne peux que penser au roman de Marcus Malte, Qui se souviendra de Phily-Jo ? Notre terre ne se porterait-elle pas mieux aujourd’hui si les décideurs privilégiaient l’intérêt général avant la rentabilité. Si les grandes entreprises énergétiques, acharnées à défendre leurs profits, ne tuaient pas dans l’oeuf des inventions écologiques

Rêves et voyages

Miguel Bonnefoy offre avec cette biographie réinventée un bel hommage à Augustin Mouchot. Un homme solitaire, un génie obstiné, un visionnaire appliqué qui consacra sa vie à son invention. Un enfant malingre, un jeune homme intelligent, un homme souvent terrassé par les maladies, épidémies, un vieillard misérable et aveugle qui pourtant s’est toujours relevé grâce à la foi en son projet. Avec fougue et humilité, il nous entraîne dans ses rêves et dans ses voyages sur les chemins de France et dans le désert algérien. Toujours plus prêt du soleil.

La verve Bonnefoy

Miguel Bonnefoy est un admirable conteur. Je l’ai découvert avec Le voyage d’Octavio, un roman, son meilleur selon moi, qui me laisse un très bon souvenir.  Sucre noir, puis Héritage m’ont largement divertie mais je leur ai trouve un excès de picaresque. L’auteur fait ici quelques clins d’oeil aux personnages de ses précédents romans.
Il me semble qu’avec L’inventeur, l’auteur a retrouvé cet équilibre qui me convient. Un texte lumineux, flamboyant mais sans excès. Un récit qui met en lumière la simplicité d’un homme et la folie d’un génie.
J’ai beaucoup apprécié de découvrir la vie de cet inventeur que je ne connaissais pas. Et bien évidemment ce texte m’a fait réfléchir aux conséquences des choix du passé en terme d’énergie. Un exemple qui malheureusement n’est pas unique et qui n’a pas permis à nos décideurs d’apprendre de leurs erreurs.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

9 novembre 2022 à 11 h 17 min

Quel plaisir de lire cette chronique vraiment bien ficelée et super intéressante. J’en serais presque jaloux si je n’y voyais pas une belle suggestion de lecture avec ce Maltus Malte qui me tente beaucoup. Un bon livre qui fait effectivement réfléchir aux conséquences de la rentabilité à court terme…



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