Titre : Un chien à ma table
Auteur : Claudie Hunzinger 
Editeur : Grasset
Nombre de pages : 288
Date de parution : 24 août 2022

 

Les Bois-bannis

Sophie et Grégoire Huizinga, le couple miroir de l’auteur et de son mari, se sont rencontrés dans l’enfance. Depuis quatre ans, ils se sont retirés dans une maison en pleine forêt vosgienne. Alors que Grieg occupe l’étage, une pièce à la fenêtre obstruée par une pile de livres, Sophie, « écri-vaine », a installé son bureau face à une fenêtre donnant sur le pré. Vieillissants, ils ne sortent presque plus. Jusqu’au jour où une petite chienne martyrisée pointe le bout de son nez.

Yes et les buffalos argentées

Affolée, la chienne baptisée Yes, fuit une fois son assiette avalée. Sophie, chaussée de ses chaussures Buffalo argentées se rend à Lyon pour une rencontre avec deux autres écrivains. A son retour, Yes a rejoint Grieg. Portée par ses chaussures et accompagnée de Yes, Sophie retrouve le plaisir d’arpenter la forêt. Une façon de contrer la vieillesse, de profiter de la beauté extraordinaire de la nature malgré le déclin irréversible du monde.
Yes est un catalyseur, un flash de joie pour le vieux couple. Grieg qui passait son temps à l’étage avec ses livres, souhaite à nouveau dormir avec Sophie. Alors, elle installe un cadre de bois dans la grande salle, improvise un matelas avec des piles de journaux. Dormir sur les  mauvaises nouvelles du Monde n’est-il pas un beau clin d’œil?

Voir la beauté dans un monde à l’agonie

Sophie Hunzinger installe de nombreux parallèles pour  montrer que la beauté est partout. Yes, chienne martyrisée par les hommes, n’en garde pas moins le sourire dans le regard. Le couple, amoindri par des corps vieillissants, retrouve au contact de la chienne une nouvelle façon de vivre. Ainsi le monde en déclin peut-il offrir d’autres beautés si l’on sait regarder le centre et les marges, étendre son regard.

Il ne nous reste plus qu’à voir le monde tel qu’il est, troué, rétréci, sali, mais avec encore des merveilles, je t’assure Grieg, il reste des merveilles entre ses mailles rongées, son ouvrage défait.

Encore et toujours écrire

Avant l’arrivée de Yes, Sophie se demandait si elle croyait encore à l’écriture.

S tout se casse la gueule, pourquoi écrire encore?

Mais sous le regard de la chienne installée à sa table, le crayon la relie encore à l’humanité. C’est son moyen de se sentir en vie dans ce champ de bataille. Malgré la vieillesse, la détresse du monde, le désir est toujours là.
En ce sens, ce roman sur la perte de la jeunesse, de la biodiversité, de la langue, reste un récit optimiste.
Sophie Hunzinger habite la forêt depuis de nombreuses années. Cet environnement la hante, il est présent dans la plupart de ses romans. Nature, humanité, langue, poésie sont omniprésents dans son oeuvre. Couronnée du prix Décembre en 2019 pour Les grands cerfs, Claudie Hunzinger vient de recevoir le Prix Femina pour Un chien à ma table.

Je lis cette auteure depuis plusieurs années. J’aime sa façon de nous plonger poétiquement dans une nature profonde. Ce roman, balade contemplative dans la nature, parlera à tous ceux qui voient le sourire dans le regard d’un chien et  qui restent sensibles au chant des oiseaux. Et ouvrira peut-être de nouveaux horizons à tous les autres.

Les livres sont un abri. La langue est un pays.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

16 novembre 2022 à 9 h 39 min

Le résumé et les critiques lues ici et là ne me disaient rien… mais tu pourrais bien me faire changer d’avis 🙂





17 novembre 2022 à 13 h 47 min

J’hésite à le lire, j’ai peur qu’il me plombe le moral.



franckartbeagmailcom
8 janvier 2023 à 20 h 30 min

« Un chien à ma table » de Claudie Hunzinger , aux éditions Grasset.
Une autrice que j’aime beaucoup dans son approche de la vraie nature, celle d’un ressenti viscéral et unique, une profondeur ancrée dans la terre avec toutes ses douleurs d’un monde changeant.
Combattante dans les années 70 avec son compagnon de vie, ils sont les témoins d’une catastrophe écologique à venir.
Dans cette société tournée vers un profit injustifiable, et difficile à contrecarrer , C.Hunzinger écrit.
Elle témoigne d’une manière extraordinaire, le rude combat d’un monde animal et végétal dans son statut indétrônable de notre survie.
Alors, son compagnon et elle décident de se déconnecter d’une réalité humaine invivable et souvent sans respect pour nos ressources naturelles.
Déjà dans ses oeuvres précédentes, elle recherche un lieu isolé dans une nature protégée et loin du bruit d’un monde bien tristounet.
J’ai lu : « Les grands cerfs », où déjà, son témoignage vécu yeux dans les yeux avec ce majestueux animal, en quête d’un troupeau de biches
pour la survie de son espèce , m’avait bouleversée.

Dans son dernier récit de vie, le vieux couple s’isole complètement dans un lieu baptisé :  » Aux Bois-Bannis « , et un soir, une jeune chienne
traînant une sale histoire, surgit.
Qu’a-t-elle vécu?
Est-on à sa recherche?
Le reste d’humanité reste-il aux mains des poètes ?!!
Au fil de ses phrases, empreintes d’odeurs, de saveurs, de couleurs primaires ou autres d’un paysage somptueux,
je me sens bien dans cet ailleurs ressourçant et interpellant .
Mon instinct se réveille, celui d’un désir profond d’être proche du vivant.
Je me sens basculée vers un monde d’extrême nécessité de voir et de protéger.
Entre réflexions terribles sur notre lendemain, il demeure un espace verdoyant, présent et encore accessible.
Alors faisons ensemble un pas de côté et plongeons-nous dans une belle nature qui coupe le souffle.



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