Titre : Les enfants endormis
Auteur : Anthony Passeron
Editeur : Globe
Nombre de pages : 288
Date de parution : 25 août 2022

 

 

L’intime et le collectif

Ce premier roman s’est imposé à Anthony Passeron face au silence de ses parents et grands-parents sur le destin de son oncle Désiré et sa famille. Premier enfant, enfant prodige d’un couple de boucher d’un petit village dans l’arrière-pays niçois, Désiré, bac en poche, ne souhaite pas trimer comme ses parents. Il obtient un poste de secrétaire chez le notaire. Sur un coup de tête, il part à Amsterdam. Quand son frère, le père d’Anthony, doit aller le rechercher, le jeune homme est dépendant de la drogue.  Au village, il fera parti des « enfants endormis », ces jeunes que l’on retrouvent inconscients sur les trottoirs une seringue dans le bras. La région de Nice a particulièrement été touchée par les ravages de la drogue.
Mais nous sommes au début des années 80. Des cas de pneumocystoses sont recensés aux Etats-Unis puis en France. Willy Rozenbaum, infectiologue  et Jacques Leibowitch, immunologiste sont confrontés aux premières apparitions du syndrome de Karposi. Personne ne le sait encore mais l’épidémie de sida qui touche les homosexuels, les héroïnomanes, les haïtiens puis plus tard les hémophiles tuera 36 millions de personnes dans le monde.
Anthony Passeron alterne son récit de famille avec la genèse de cette maladie et la lutte acharnée de professionnels pour tester, endiguer puis soigner cette infection par un rétrovirus.

Stigmatisation, peur, déni

L’auteur se souvient du cauchemar de sa famille quand Désiré et sa femme ont connu leur séropositivité. Après le déni, Louise, la mère de Désiré a retrouvé ce rejet qu’elle avait vécue comme immigrée italienne. La honte d’avoir un fils toxicomane s’est bientôt élargie à l’exclusion de ceux que l’on soupçonnait atteint du sida. Villageois et soignants, encore peu informés, craignaient d’approcher les malades. Et cette exclusion est encore plus difficile à vivre quand il s’agit d’une enfant, une victime de parents inconscients. Louise se bat pour son fils puis sa petite-fille. Dans ses yeux, l’auteur nous fait vivre toute la douleur vécue par les malades et leur famille.

Hommage aux chercheurs français

De même, Anthony Passeron nous place au coeur de cette course des spécialistes, notamment les chercheurs de l’Institut Pasteur, pour comprendre et contrer cette infection. Nous vivons avec lui les espoirs et les déceptions des équipes médicales. Mise au point de tests de dépistage, de médicaments comme l’AZT puis des trithérapies.
Avec ce livre, il rend aussi hommage à toute une équipe dont Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier couronnés du Prix Nobel de médecine en 2008.

Un premier roman

Anthony Passeron construit son roman en alliant l’émotion d’une histoire familiale et la richesse d’une enquête sur la découverte et le traitement du sida par les spécialistes français. Ce n’est donc pas un premier roman facile parce qu’il demande une confession intime sur une affaire qui a brisé sa famille et un rapport technique sur un milieu médical complexe. Et l’auteur le réussit avec beaucoup de simplicité. Ni débordement d’affect, ni excès de technicité. Mais beaucoup de place aux sentiments. Ceux ressentis par une famille brisée et ceux d’une équipe de chercheurs pris par le temps et la morbidité de cette épidémie.
Cette simplicité d’écriture et de construction laisse toutefois un sentiment de facilité face à un fléau des années 80 qui a anéanti une communauté, qui a remis en cause nos comportements.
Anthony Passeron vient de recevoir le Prix Wepler 2022 pour ce premier roman.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

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