Titre : Nirliit
Auteur : Juliana Léveillé-Trudel
Littérature Québécoise
Éditeur : La Peuplade
Nombre de pages : 184
Date de parution : octobre 2015

 

Chaque été, la narratrice migre du Sud au Nord, vers Salluit, ce petit village à l’odeur de chair pourrie, le plus violent du Nunavik. Cette année, elle ne retrouvera pas Eva, une reine de beauté nordique, victime de la jalousie de son « chum ».

« Il a jeté ton corps dans l’eau, ton corps fragile dans les eaux sombres et agitées du détroit d’Hudson.  »

Dans un récit sombre, à l’allure désordonnée du flot de ses pensées,  la jeune femme nous raconte la violence de ce village où les inuits dépossédés de leur territoire pour l’exploitation minière  sombrent souvent dans l’alcool et la drogue fournis par les Blancs.

«  La meilleure façon de tuer un homme,  c’est de le payer à ne rien faire.»

Les femmes et les enfants souffrent particulièrement de cette situation. Violées, battues par les Blancs ou les inuits alcooliques, elles voient pourtant comme une opportunité le regard de ces hommes blancs aux yeux bleus.

Sexe, argent, impunité. Le gouvernement laisse faire cette amélioration de la race par le sang.

Dans ce récit, les exemples ne manquent pas pour montrer la déchéance de ces enfants, abandonnés par leurs parents alcooliques, confiés à l’ensemble du village. Cette première partie, un peu plus générale plante le décor de la vie à Salluit. Juliana Léveillé-Trudel nous fait profiter de son expérience pour nous instruire sur cette population, elle leur rend ainsi un vibrant hommage. Contrairement à la majorité des gens du Sud, la narratrice ne vient pas pour faire de l’argent mais parce qu’elle aime profondément ces gens, ce paysage. Mais comment rattraper toute cette misère ?

La seconde partie est centrée sur quelques personnages. L’auteur prend un virage plus romanesque tout en restant avec la mémoire d’Eva puisque l’on suit principalement son fils, Elijah. Le jeune  garçon est amoureux de Maata. A seize ans, la belle est plutôt volage. Quand elle se retrouve enceinte, elle ne sait qui est le père mais elle reste avec Elijah. Jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de Félix, un Blanc venu du Sud. Félix est divorcé mais toujours amoureux de sa femme. Maata n’est qu’une belle parenthèse. Les histoires d’amour des jeunes inuits sont troublées par une envie d’ailleurs, une tentation de partir vers Montréal comme le jeune Tayara qui ne supporte plus la violence d’Aleisha. Mais il ne suffit pas d’un vol pour sortir de cette misère. Avec ces cas concrets, l’émotion est encore plus palpable et l’on comprend vraiment l’état d’esprit des uns et des autres.

Juliana Léveillé-Trudel livre un roman très sombre sur le vie dans cette région du Grand Nord canadien. Elle porte un amour sincère à cette population qu’elle connaît bien, sacrifiée pour les rêves commerciaux des Blancs. Dépossédés de leur terre, de leur façon de vivre, rendus dépendants de l’alcool et de la drogue, ils perdent toute dignité et avenir. En deux parties, elle plante le décor puis zoome sur une histoire plus intime. Un voyage dans un pays glacial où la nuit ne vient pas sauf dans les yeux des inuits qui sont pourtant les ancêtres de la population canadienne.

Je remercie Léa pour cette belle découverte dans les cadre des lectures du Picabo River Book Club.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

19 mars 2019 à 10 h 08 min

Un texte magnifique, énorme coup de coeur…



19 mars 2019 à 11 h 42 min

Je rejoins Horizon des mots, j’ai été emportée par cette lecture, par l’écriture si pénétrante de l’auteure.. au fait, rien à voir, mais tu es toujours partante pour une LC du Déclin de l’empire Whiting en avril ?



19 mars 2019 à 15 h 10 min

Malgré tous les bons avis, cette lecture ne me tente pas pour le moment.



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