Titre : Rêver debout
Auteur : Lydie Salvayre
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 208
Date de parution : 19 août 2021
Don Quichotte
En 1604, Miguel de Cervantes publie la première partie de L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche. Le Quichotte, chevalier à la triste figure, lecteur féru de littérature chevaleresque, indigné actif, part en croisade pour défendre les déshérités. Le roman ne sera un succès que sous le nom de Buscapié, « premier best-seller espagnol, après la Bible. » La seconde partie du Quichotte paraîtra en 1615, un an avant la mort de son auteur.
De nos écoles, nous retenons surtout le personnage fantasque qui se battait contre les moulins à vent. Mais tous les grands écrivains ont encensé Quichotte. Lydie Salvayre est peut-être la première femme à prendre sa défense.
Un plaidoyer
Dans ce roman, Lydie Salvayre adresse une quinzaine de lettres à Cervantes, le fustigeant de se moquer de son héros.
Pourquoi, Monsieur, expliquez-moi pourquoi, vous moquez-vous de votre Quichotte lorsqu’il ne s’accommode pas de ce qu’on appelle, pour aller vite, la réalité ?
Le Quichotte veut vivre ce qu’il a lu. Il entend défendre ses convictions, épris de liberté et de justice. Pourquoi se moquer de ceux qui ne se résignent pas, des rêveurs que l’on dit facilement fous?
Je dis, Monsieur, que le Quichotte perçoit parfaitement la réalité, mais qu’il la perçoit depuis ce que Victor Hugo appelle le promontoire du songe. Et depuis ce promontoire qui le porte aux confins du visible, la réalité acquiert soudain une autre dimension.
Oui, il faut s’indigner, oser, rêver pour élargir sa vision. Tout comme il faut lire car la littérature, si elle ne sert pas à mieux voir, permet au moins de « mesurer l’épaisseur de l’ombre. »
Sur un ton vindicatif, Lydie Salvayre fustige le créateur de Quichotte. Elle détaille certains épisodes où l’auteur se moque de son personnage. Mais très vite, nous comprenons que la fan de Quichotte porte aussi une véritable admiration à Cervantes. En cette période d’Inquisition, il n’était pas facile de s’élever ouvertement contre le Roi, l’Eglise et la Justice.
Un habile parallèle
Quichotte, ce loser ( perdant car looser est plutôt un instable ou un lâche) magnifique nous serait bien utile en ce monde où aucun penseur ne se salit plus les mains dans l’action, où l’on ne vit qu’au présent sans se soucier de laisser une Terre meurtrie à nos enfants. Quichotte fait fi des différences sociales, défend l’honneur des femmes, ignore la résilience, mot aujourd’hui galvaudé.
Quatre siècles plus tard, la violence, la férocité décrites par Cervantes sont encore les nôtres.
Votre livre simplement m’éclaire sur mon actualité, et me révèle ( révéler est le mot car votre roman dévoile ce qui était déjà là ) que cette violence monstrueuse que vous nous jetez à la gueule s’est continuée jusqu’à nos jours, mais plus endimanchée qu’autrefois, plus subreptice, plus captieuse, plus insinuante et cachant mieux ses dessous sales.
Un roman original et enthousiaste
Hommage à un roman et à la littérature. Mais surtout à un personnage emblématique qui apporte espoir et humanité. Cette déclaration épistolaire est une enthousiaste invitation à rêver debout.
Le style est vif, plein de force et de rage. Une indignation qui, petit à petit vire à l’admiration. L’auteur donne encore plus de force à son discours en utilisant l’accumulation de formules similaires pour renforcer son idée. Ce qui amplifie encore son discours.
Un livre original et brillant.
Commentaires
Ce que tu en dis me conforte dans l’envie de le lire, provoquée par l’auteure elle-même entendue sur le plateau de La grande librairie je crois (ou alors c’était à la radio ?)..
Oui, elle est venue à La grande librairie en septembre. Il faudrait relire Don Quichotte maintenant
belle chronique! j’aime bien l’auteure alors il va sûrement aller rejoindre ma PAL 🙂
Une très belle écriture. J’avais lu Pas pleurer qui a reçu le Goncourt en 2014 et 7 femmes. Il faudrait que je lise les plus anciens comme La compagnie des spectres
Relire Don Quichotte puis celui-ci, oui, pourquoi pas…
Pour moi, ce sera plutôt relire Don Quichotte avec le regard de celui-ci.
ça a l’air très original, j’aime bien la force de son écriture cela colle bien avec ce thème!
Oui, un bel hommage et l’occasion de reprendre un classique avec notre perception actuelle de la société
Une auteure que j’apprécie, alors pourquoi pas.
Une belle écriture et avoir ce regard actuel sur une oeuvre culte est très intéressant
Je suis fan de Lydie Salvayre alors ce livre m’intéresse surtout après cette magnifique présentation. Peut-être lire avant Cervantes et ce Don Quichotte dont on parle tant et qui n’est pas encore entré chez moi !
L’auteure m’a donné envie de reprendre Don Quichotte. Pour aller plus loin qu’un souvenir des moulins à vent 😉
J’ai tellement aimé ce livre que je suis en train de lire » Tout homme est une nuit » (toujours de Lydie Salvayre ) qui m’enthousiasme tout autant .
J’avais lu Pas pleurer et 7 femmes. Je note Tout homme est une nuit, un très joli titre