Titre : A la table des hommes
Auteur : Sylvie Germain
Éditeur : Albin Michel
Nombre de pages : 262
Date de parution : 7 janvier 2016
Je suis rarement déçue par un roman de Sylvie Germain depuis que j’ai découvert son univers à la limite du fantastique avec Magnus. Depuis trente ans, cet auteur construit une œuvre intéressante qui tente de répondre à l’essentiel : qu’est-ce qu’un être humain?. En philosophe, elle interroge notre rapport à Dieu loin de toute bigoterie et toute habitude irréfléchie.
En prenant généralement le biais du conte, elle nous entraîne dans un monde fabuleux pour mieux mettre en exergue les dérives du monde réel. Et ce nouveau roman, A la table des hommes, en est un très bel exemple.
Dans un pays dévasté par la guerre, un porcelet fait l’expérience de la survie. Allaité par une mère en deuil, sa confiance en l’homme sera vite rompue. De tous les animaux qui l’accompagneront dans sa fuite, seule une corneille sera son « point d’ancrage magnifiquement mobile dans la fluidité du temps. »
Enfant sauvage recueilli par Ghirzal, une vieille du village, celui qu’on surnomme Babel va faire l’expérience de l’humanité en la personne de Tomka, un jeune revanchard prêt à malmener les plus faibles.
Contraint à l’exil afin de ne plus être la tête de Turc d’un village meurtri, l’enfant part avec Yelnat, un vieux clown sauvage et trouve refuge chez deux frères, Clovis et Rufus.
Babel est un drôle de garçon. « Il y a chez lui un alliage de candeur et de gravité, de douceur et de robustesse qui l’étonne. Il se tient de plain-pied avec la vie, avec le monde, sans leur demander des comptes, sans rien apprendre de plus que ce qu’il en reçoit. Il entretient avec les bêtes une complicité tacite, et partage avec une corneille une amitié plus intime qu’avec quiconque. Il donne l’impression d’habiter le temps comme une demeure paisible, ou plutôt de le traverser à la façon d’un animal parti en transhumance et qui parcourt de longs espaces à pas pesés et cadencés, sans se soucier de la durée du trajet ni des difficultés qu’il risque d’avoir à affronter en chemin, mais en jouissant de chaque instant. Une jouissance placide, de basse et continue intensité que des imprévus malencontreux peuvent perturber, certes, parfois mettre à l’épreuve, mais non anéantir. »
Au delà de l’apprentissage de la langue, Babel découvre une famille tutrice qui l’aide à entrer dans la vie. En faisant de Clovis un blogueur aux textes et dessins irrévérencieux, épinglant des dignitaires religieux de diverses obédiences, frappé par la bassesse de l’espèce humaine, Sylvie Germain donne à comprendre la finalité de sa fable.
Au delà de rappeler que les créations divines sont l’ensemble du monde animal et végétal, elle n’hésite pas à dénoncer l’orgueil de l’homme qui par exemple condamne la vache folle de ses dérives commerciales.
Sous une très belle fable, l’œil critique de l’auteur sur les faits actuels nous rappelle que » le destin de tous les vivants est égal » et que c’est souvent l’homme qui devient ce dévastateur » animé par la haine de la beauté et de la créativité. »
Un livre « coup de cœur » que je vous recommande vivement.
Commentaires
Je ne savais pas qu’un nouveau roman de Sylvie Germain devait paraître !! Je pense vite me le procurer, car je suis une inconditionnelle de l’auteur… (j’ai fait mon 1er mémoire sur elle). Magnus est une lecture coup de cœur d’ailleurs. Ton beau billet ne fait que renforcer mon envie de le lire très vite 🙂
Moi aussi j’aime beaucoup ses romans. En fait, j’aime ces auteurs qui savent allier fantastique et réalité dans de superbes contes qui nous en apprennent beaucoup sur notre environnement.
Oui, c’est exactement ça avec Sylvie Germain, j’adore l’effet qu’elle produit en invitant le conte dans la réalité. Il y a une autre auteur que j’aime beaucoup et qui joue aussi avec l’univers du conte, c’est Véronique Ovaldé. Mais son style et son univers sont totalement différent de ceux de Sylvie Germain.
J’aime beaucoup Ovaldé aussi.
J’avais été déçue par le précédent donc j’avais décidé de faire l’impasse sur celui-ci, mais si tu dis que c’est un coup de coeur, sans doute vais-je changer d’avis !
Maintenant je suis peut-être un mauvais conseiller, j’ai un gros faible pour cette auteure.
Contente de voir que c’est un coup de coeur, je veux le lire !
J’espère qu’il te plaira.
il m’attend tranquillement et j’ai hâte !
Il me le faut !
Je crois que je n’ai jamais lu cette auteure. Je note donc ce titre.
Magnus ou celui-ci.
OK, je note !
Je suis vite devenue une inconditionnelle après Tobie des marais, Le livre des nuits et Nuit-d’Ambre (ces deux derniers n’étant pas chroniqués), j’avais aussi beaucoup aimé Petites scènes capitales mais chose étrange je ne suis jamais parvenue à lire Magnus ! 🙁 J’en ai encore 3 ou 4 dans ma PAL dont Hors champ, l’Inaperçu, La pleurante des nuits de Prague et La chanson des mal-aimants mais malgré cela, tu penses bien que j’ai Ce dernier dans ma ligne de mire et je vais vite me le procurer ! Ton billet coup de coeur m’y encourage ! En fait, je préfère ses livres où la part de merveilleux est très présente… Mais je suis toujours emportée par son style inimitable… 😉
J’en ai lu plusieurs aussi ( peut-être un peu moins que toi). Certaines avant mon blog comme Magnus, Tobie des marais.
Je vais aller voir tes chroniques. On ne sait jamais, j’en ai peut-être raté un.
Je n’ai chroniqué que Tobie des Marais et petites scènes capitales mais j’ai adoré Le livre des nuits (suivi de Nuit-d’Ambre), son premier livre (pas facile de le chroniquer d’ailleurs ce « Livre des nuits ») et je te le recommande chaudement, il fait partie des « merveilleux » où court une trame historique et réelle magnifique bien que douloureuse…S’il ne me fallait en lire (et relire) qu’un, ce serait celui-ci (presque ex-aequo avec Tobie des Marais) mais bon, on verra quand je les aurais tous lus ! 😆