Titre : Génération gueule de bois
Auteur : Raphaël Glucksmann
Éditeur : Allary Editions
Nombre de pages : 170
Date de parution : 26 février 2015
J’essaie de regarder aussi régulièrement que possible le Petit Journal sur Canal+ et c’est là que j’ai découvert Raphaël Glucksmann. Invité après le succès du FN au premier tour des élections régionales, son livre s’inscrivait parfaitement dans l’actualité.
Dans un chapitre de Génération Gueule de bois, l’auteur imagine l’élection de Marine Le Pen à la Présidence de la République suite aux deux attentats kamikazes de février 2017.
Scénario futuriste qui peut paraître très plausible et ressemble étrangement aux événements de la fin 2015.
Avec une clarté d’élocution remarquable, des idées intéressantes, un parcours international sur des zones de conflit ( Algérie, Rwanda, Ukraine), une formation politique, Raphaël Glucksmann m’a donné envie de creuser ses propos en lisant Génération Gueule de Bois.
Son analyse part de la fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin, époque où chacun aspire à un monde de progrès et de jouissance.
Lorsque se manifestent les signes annonciateurs d’une atteinte à la liberté, au vivre ensemble avec l’entrée des tanks russes en Ukraine, les décapitations sur Youtube, les attentats contre la société multiculturelle comme en Scandinavie, les politiques dans leur constante stratégie verticale ne savent pas répondre à cet élan nécessaire des peuples vers un ordre horizontal, celui où l’on est « Tous un ».
C’est pourtant cet élan qui se manifestait en Égypte, en Ukraine en 2013, à Paris sur la Place de la République.
» L’élan horizontal de Maïdan, de Tahrir et de la République n’a pas encore produit de concept clair, de discours cohérent, de modèle politique. »
L’auteur reconnaît que seule Marine Le Pen a compris la pensée du philosophe communiste italien, Gramsci » Il n’y a pas de prise de pouvoir politique possible sans prise préalable du pouvoir idéologique et culturel. »
Le vacillement des bases de la société peut venir de la déception des gens face à un gouvernement qui reste dans l’élite conservatrice malgré mai 68, d’une Europe qui sous l’égide de Bruxelles, d’une super structure bureaucratique se contente de gérer les marchés et non d’édifier une démocratie européenne.
» Quand la dynamique collective disparaît, il ne reste que les inerties. »
Le récit de l’auteur est riche d’enseignement avec ses engagements personnels notamment aux côtés du président Saakachvili en Géorgie, de son séjour à Kiev en 2014 pour aider l’insurrection ukrainienne. Raphaël Glucksmann n’hésite pas à dénoncer le soutien financier des oligarques russes dans la montée des partis d’extrême-droite européens.
Écrit après les attentats de janvier 2015, l’essai traite aussi de la montée de l’islamisme avec ceux qui « veulent enlaidir le monde« . Si Al Qaïda était une organisation structurée, le terrorisme actuel répond à une idéologie diffuse plus difficile à remonter.
J’ai apprécié que l’auteur ne se contente pas de faire un état des lieux, de proposer ses analyses, de partager ses expériences mais qu’il propose aussi des « solutions ». Rien de sensationnel mais au moins un appel à aller au-delà du simple « non ».
» Nous combattons pour la société ouverte issue des Lumières. Nous vivons dans une nation et une république qui sont en elles-mêmes un discours. Il nous faut revisiter, actualiser, reprendre ce récit. La France de Voltaire, de la Révolution, de La Boétie, de Montaigne, de Rabelais, de Charlie ne peut devenir le terrain de jeu des haines identitaires si l’on recommence à la dire et à la vivre. »
Un livre à lire pour un bel élan vers l’édification d’une démocratie européenne, enjeu des années à venir.
Commentaires
Il me le faut, je lui tourne trop autour…Merci pour ton avis!
Souhaites-tu que je te le prête?
Rooo c’est trop gentil! Ça aurait été volontiers, mais j’ai trop envie de l’avoir dans ma bibliothèque! Merci en tout cas de ta générosité 🙂
Oui le fils de… se fait un prénom mérité. Je ne l’ai jamais lu mais ça donne envie.
Raphaël Gluksmann a souvent le mot juste, du moins à mon sens.Et visiblement nous partageons. Il est assez régulièrement invité à 28 minutes que je préfère de loin au Petit Journal.
Je le trouve très convaincant avec beaucoup de simplicité. Je ne connais pas 28 minutes. Le petit journal mêle ironie, humour et une bonne information, même si elle est cadrée avec un sens de l’observation très particulier