Titre : ce qui est monstrueux est normal
Auteur : Céline Lapertot
Éditeur : Viviane Hamy
Nombre de pages : 96
Date de parution : 9 mai 2019

 

J’ai découvert assez récemment la plume nerveuse, torturée, touchante de Céline Lapertot dans Ne préfère pas le sang à l’eau. Ce récit autobiographique dévoile en partie la genèse de cette rage qui transparaît dans les romans de cette jeune auteure, professeure de français à Strasbourg.

«  Quelle part d’eux-mêmes les bourreaux laissent-ils en nous? »

Née au sein d’un milieu pauvre, sans connaître la douceur de l’amour maternel mais plutôt les assauts d’un beau-père pédophile, Céline trouve sa « madeleine dévastatrice de Proust » et sublime ses blessures par la littérature.

 » La rue du Pont-Rouge, c’est un lieu de paradoxes, de lumière et de noirceur, un lieu d’initiation. »

Pour elle, la maison d’enfants, la famille d’accueil sont une chance. c’est enfin une porte ouverte vers la culture sans pourtant jamais pouvoir oublier le passé.

 » Chaque livre qu’on lit,  chaque film qu’on regarde, chaque chanson qu’on écoute est un pont vers le passé. »

En terminant un récit autobiographique, je pense souvent que l’exercice sert davantage l’écrivain que le lecteur. Il n’en est rien ici.
D’une part, ce récit permet de comprendre l’univers de Céline Lapertot, de déchiffrer son œuvre, qui certes, ne comporte encore que trois romans mais suffisamment marquants et empreints de singularité pour en mériter ce nom.
D’autre part, sa confession permet aussi de comprendre certaines réflexions actuelles que stigmatisent parfois la presse ou les réseaux sociaux, notamment sur la difficulté de dire NON.

«  On peut envoyer tous les signaux pour se laisser approcher, alors même qu’on ne le souhaite pas, parce qu’on n’a pas encore appris à faire autrement. »

Céline n’omet rien ni le besoin vital d’amour d’un enfant, ni la compréhension des mères emprisonnées dans un rôle abject voyant  » le célibat et l’absence de revenus » comme une condamnation , persuadées de ne rien mériter de mieux que cette merde quotidienne.
Elle sait l’inutilité de questionner les enfants mais préfère les aider à se confier par l’écriture.

 » Ce qui ne se dit pas s’exprime autrement; au moyen d’un stylo ou d’un clavier d’ordinateur, du chant, de la danse, de la peinture, du théâtre, du cinéma. Mais il n’y a rien de plus ridicule, rien de plus inefficace et dépassé, que le fait de s’installer en face de quelqu’un pour lui demander de parler ouvertement de ses plaies. »

Ce qui est monstrueux est normal sera sans aucun doute un livre marquant, un tournant dans la carrière et la vie de l’auteure. Sa mémoire a longtemps refoulé ce qui ne pouvait se dire clairement, juste transparaître dans la violence de ses romans.

«  Il faut des décennies d’existence pour approcher un tant soit peu la vérité à propos de ce que nous sommes. »

Aujourd’hui professeur, un métier dont elle fait un juste éloge, elle mesure son rôle d’accompagnement d’une jeunesse multiculturelle qui a besoin de repères, de guides comme elle a eu la chance d’en rencontrer, notamment avec Catherine, sa mère d’accueil. Parce que la culture, la découverte de la lecture et de l’écriture, les rencontres sont essentielles pour briser les solitudes d’enfants oubliés, leur redonner l’espoir d’un bonheur possible.

«  Être professeur n’est pas un métier décidé au hasard dans la peur de ne pas vivre de sa plume. Être professeur, c’est essayer au maximum, avec le peu de moyens que l’on a, la médiocrité du quotidien et l’envie, parfois, de baisser les bras, c’est essayer, donc, de rendre ce que l’on a reçu. »

Je ne peux que conseiller la lecture de ce petit récit qui, loin de l’apitoiement, se révèle une confession cathartique utile à tous.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

13 mai 2019 à 12 h 18 min

Très belle chronique qui résume parfaitement ce superbe récit! La plume de Céline Lapertot est vraiment de toute beauté!



13 mai 2019 à 14 h 18 min

Je ne suis pas persuadée qu’une confession cathartique soit utile à tous…..





14 mai 2019 à 9 h 41 min

Hâte de le lire car j’aime tellement l’écriture de Cécile Lapertot…… Découvrir qui se cache derrière une plume, ses blessures etc…. mieux comprendre ainsi son style, ses révoltes 🙂



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