Titre : Dans les yeux du ciel
Auteur : Rachid Benzine
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 176
Date de parution : 20 août 2020

 

Sa mère, belle et pauvre dans un pays misérable et colonisé était une pute de garnison. Elle travaillait et acceptait toutes les insultes pour qu’elle, Nour, sa fille, fasse des études et ne connaisse jamais la même misère. Et pourtant, violée à douze ans par les gendarmes venus constater la mort de la mère lors d’un énième avortement, Nour se retrouve sur le trottoir.

A quarante ans, elle est aujourd’hui une travailleuse indépendante. Elle reçoit ses clients dans un petit studio aménagé loin de son domicile où elle peut sauvegarder les apparences et protéger sa fille de treize ans, Selma. Seul son ami Slimane, un poète homosexuel qui se prostitue lui aussi pour survivre connaît sa vraie vie. Issu d’un milieu aisé, il a été rejeté par sa famille. On ne vit pas de la poésie, alors il tapine. Nour et Slimane vivent une belle amitié amoureuse.

«  La prostitution, c’est grâce à elle que beaucoup survivent dans la capitale. C’est aussi à cause d’elle que l’on crève jeune…Du sida. D’overdose. Assassinée. »

Alors que Nour nous confie les histoires de ceux « qui viennent s’échouer entre ses cuisses pour oublier quelques instants ceux qu’ils sont », des hommes qui sont le reflet de cette société patriarcale violente , dehors montent les échos de la révolution arabe.

Nour est habituée aux abus du régime, aux dénonciations, aux gendarmes corrompus, aux violences des militaires mais elle perçoit aussi les changements depuis la chute du régime et l’arrivée au pouvoir des frères musulmans. Elle suit avec méfiance l’engouement de Slimane pour la révolution.

Les manifestations sur la place de la Nation sont de plus en plus nombreuses et violentes. Les femmes continuent à être les premières victimes de tout.

«  Le sentiment de liberté qui se dégage d’un lendemain de révolution est difficile à définir. S’il a quelque chose de l’ivresse, il est aussi d’une naïveté désarmante. »

En choisissant pour personnages principaux une prostituée et un poète homosexuel, Rachid Benzine donne la voix à ceux qui sont en marge de la société, ceux qui sont aussi plus aptes à constater l’hypocrisie d’un pouvoir en en subissant malheureusement les abus. L’auteur n’hésite pas à parler cru, à frapper fort. J’ai eu parfois l’impression qu’autant de misère, de malheurs n’était pas possible. Mais c’est peut-être la réaction d’un occidental impuissant à comprendre.

Volontairement, l’auteur ne situe ni la date ni le lieu du récit. Les révolutions culturelles portent partout les mêmes espoirs et se passent toujours dans le sang.

Après Ainsi parlait ma mère, un roman fort et humain sur la difficulté de l’exil, Rachid Benzine, enseignant et islamologue, me convainc une nouvelle fois avec ce roman politique, courageux illuminé par deux personnages emblématiques et attachants.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

5 septembre 2020 à 10 h 52 min

ça paraît très dur tout ça… à voir…



5 septembre 2020 à 13 h 31 min

c’est ce que je redoutais: qu’il soit trop dur…
Je l’ai vu lors de son passage à « 28min » sur ARTE et je l’ai noté pour plus tard pour ne pas avoir de regrets…



Ariane daphné
5 septembre 2020 à 21 h 06 min

Un livre dont le sujet parait bien dur mais essentiel à lire, non ?
Daphné



    6 septembre 2020 à 9 h 34 min

    Dur, sans aucun doute, La vie de Nour est particulièrement difficile. Essentiel, le mot est peut-être fort. En tout cas, on visualise l’ambiance, la réalité de ce qu’on a appelé le printemps arabe.



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