Titre : La ligne de nage
Auteur : Julie Otsuka
Littérature américaine 
Titre original : The swimmers
Traducteur : Carine Chichereau 
Editeur : Gallimard
Nombre de pages : 176
Date de parution : 1 septembre 2022

 

Une piscine en sous-sol

Avec ce roman, Julie Otsuka sort des sentiers battus. Et pour un lecteur compulsif, cette originalité est appréciée. Le récit commence dans une piscine en sous-sol. Là se retrouvent régulièrement quelques adeptes de la natation. Des nageurs de toute sorte qui viennent surtout pour oublier les contingences de la surface, les obligations du quotidien.

car l’une des meilleures choses que nous procure la piscine, c’est le bref répit loin du fracas du monde de là-haut…

C’est une communauté. D’anonymes nageurs, on finit pas connaître quelques prénoms, quelques bribes de vie. Et comme une figure de proue, il y a Alice, une technicienne de labo en retraite atteinte de la maladie de l’oubli.

La fissure

Mais dans cet endroit où chacun oublie ses soucis, une fissure apparaît au fond du bassin. Cet événement génère inquiétude et peur au sein de la communauté.
Le phénomène toucherait d’autres piscines dans le monde. Sans être une volonté de l’auteur, on pense à l’épidémie de Covid. Bataille d’experts, rumeurs, incertitudes puis on apprend à vivre avec.
Jusqu’à la fermeture définitive de la piscine.

Changement de décor

Brutalement, nous changeons de décor pour rencontrer une mère dont la mémoire commence à se fissurer, et sa fille. Alice, qui remarquait à peine la fissure au fond de la piscine, semble aussi étrangère au glissement de sa mémoire. Les phrases sont des chassés-croisés entre ce dont elle se souvient et ce qu’elle oublie.
De quelques bribes du passé, l’auteur évoque le sort des émigrés japonais aux Etats-Unis. Un passé que Julie Otsuka, dans son oeuvre, tient à faire connaître aux nouvelles générations.

Face à l’oubli et la vieillesse

En nous emmenant avec Alice à Belavista, une résidence privée spécialisée dans les troubles de la mémoire, l’auteur nous confronte à l’inhumanité de ces lieux motivés par le profit. Certains passages sont affolants.

Avec le temps, votre regard va  devenir morne, terne, vitreux, vide, et puis, à la fin , absent. Vos os seront plus fragiles, vos cheveux, cassants. Vos dents, si vous les avez encore, vireront au jaune, puis au marron. Elles ne seront brossées qu’une fois de temps en temps…

Nous sommes aussi confrontés à la douleur de voir nos proches diminués face à la vieillesse. Cette mère que l’on croyait si forte au point d’oublier de s’en occuper, n’est finalement qu’une petite dame fragile. Regrets, souvenirs, la fille essaie de trouver force dans le passé.

Un roman sensible et mélancolique.  Mais avec une originalité  et un ton qui évitent les lieux communs et le mélodrame de la période difficile de fin de vie et de la maladie de l’oubli.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

28 septembre 2022 à 20 h 51 min

ça a l’air d’être une belle approche!





30 septembre 2022 à 5 h 48 min

J’aime beaucoup l’autrice. Ce sujet me fait très très peur… mais pourquoi pas avec ses mots à elle.



2 octobre 2022 à 18 h 26 min

le sujet m’effraie un peu. Ces autrices et leur piscine (Chantal Thomas déjà, si je ne me trompe pas…)



franckartbeagmailcom
8 janvier 2023 à 21 h 56 min

Quelle lecture magnifique.
A lire en respectant le rythme lent de l’écriture et son aspect parfois répétitif.
C’est comme une partition musicale, on est entraîné par sa mélodie et sa profondeur.
Une fois enclenché la lecture et l’écoute on est sincèrement et irrémédiablement happé.
C’est mélancolique et ancré dans la réalité de nos vies.
J’aimerais ne pas trop dévoiler le récit, sachez qu’il se divise en deux parties.
On rencontre d’abord dans le huis-clos d’une piscine, une communauté de nageurs et nageuses qui s’y dépouille de leur corps et de leur quotidien.
Parmi cette population hétéroclite, un personnage surnage comme en pointillé, c’est Alice.
Un jour, une fissure apparaît au fond du bassin de nage et tout bascule.
On plonge alors dans la seconde partie où on retrouve la vieille dame Alice
et son cheminement, sa perte de mémoire, ses propres fissures dans sa tête.
Et c’est tout le sel ou le miel de la construction de ce récit.
C’est une histoire de famille ( japonaise ) largement autobiographique.
Julie Otsuka m’avait déjà bouleversée par ses deux précédents romans :
 » Quand l’empereur était un dieu  » et surtout  » Certaines n’avaient jamais vu la mer « .
« La ligne de nage », troisième opus dans ce destin familial est original, empreint de poésie et qui contrairement aux gens qui malheureusement perdent la mémoire, restera longtemps dans la nôtre.



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