Titre : La femme murée
Auteur : Fabienne Juhel
Éditeur : Le Rouergue
Nombre de pages : 192
Date de parution : avril 2018

Dans les années 80, un château bien étrange de Saint-Lunaire, à quelques mètres de la mer, était une des curiosités touristiques de La Côte d’Émeraude.
Jeanne Devidal ( 1908-2008), une brestoise venue s’installer avec sa mère dans ce petit pavillon après la seconde guerre mondiale en avait fait une œuvre d’art brut bien contestée par les riverains.

«  Sa maison, elle l’a construite avec ce continent de bois et de plastique que le ressac et les naufrages poussent sur le rivage. »

Ce château fantasmagorique, tarabiscoté déborde sur la voie publique, enserre dans sa construction un poteau électrique et abrite un tilleul au milieu du séjour. 

Pour cette femme, employée à la Poste avant la guerre, résistante torturée par la Gestapo, plusieurs fois internée en psychiatrie et soumise aux électrochocs, cette tanière est un refuge où elle peut convoquer ses Invisibles et se protéger de la folie du monde.

Pendant quarante ans, Jeanne, l’excentrique fagotée comme l’as de pique arpente la plage et les chantiers en quête de matériel. Elle vit seule avec ses chats et ses fantômes. Elle est cette dernière feuille du tilleul dont elle attend la chute. Elle a dans les yeux cette flamme qui vacille, celle qu’elle reconnaît  dans les yeux d’un touriste japonais qui a connu Hiroshima et qui l’interpelle. Les murs sont la mémoire.

Lors du bombardement de Brest par les Américains, Jeanne Devidal a rencontré la Bête, ce grand chien noir qui se nourrit du cœur des soldats morts. Depuis ce jour sombre, leur destin est lié.

«  Moi, la Bête immonde, je me nourris du cœur des hommes, et toi, la Femme-Monde, tu amasseras des pierres pour dresser des murs contre le monde qui chavire et te protéger des hommes. »

C’est un article de journal local qui éveille l’intérêt de Fabienne Juhel, auteure toujours sensible aux figures féminines torturées et aux couleurs de sa Bretagne natale.

L’auteure tient à garder les zones d’ombre de son personnage, refusant de faire une plate biographie. Alors, elle construit des fondations jusqu’au mirador, en passant par les quatre murs qui évoquent les saisons et les points cardinaux, le portrait de cette femme originale, dévastée en pétrissant sa forme et ses émotions dans la nature sauvage du pays, dans ce ciment protecteur qui l’isole de ce monde qui chavire.

En utilisant tantôt la seconde personne du singulier, tantôt la troisième, Fabienne Juhel donne de la consistance à son personnage. Comme empreinte de sa folie, l’auteure se laisse emporter par les éléments, les mots, les rimes, les énumérations donnant à l’instar de cette maison, de la poésie, de l’art à l’extravagance.
Une beauté différente qu’elle tire jusqu’au dénouement en décidant d’une fin plus imagée.

Un très beau texte qui rend hommage à une artiste torturée. L’art brut de Jeanne Devidal  était le reflet d’une histoire. malheureusement, la maison a été détruite en 1991. Avec ce livre, Fabienne Juhel lui construit un mausolée.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

22 avril 2018 à 18 h 05 min

j’avais lu La chaise numéro 14, … décidément l’auteur aime attaquer des sujets bien costauds! Tentant, tout de même…



23 avril 2018 à 12 h 07 min

Une artiste qu’il me tarde de découvrir.



26 avril 2018 à 23 h 01 min

Sacré destin… Très envie de découvrir ce roman et cette auteure par la même occasion !



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