Titre : Les échoués
Auteur : Pascal Manoukian
Éditeur : Don Quichotte
Nombre de pages : 304
Date de parution : 20 août 2015

Auteur :
Pascal Manoukian, journaliste et écrivain, a témoigné dans de nombreuses zones de conflits. En 2013, il a publié Le Diable au creux de la main, un récit sur ses années de guerre dûment salué par la critique. Les Échoués est son premier roman.

Présentation de l’éditeur :
« Le chien était revenu. De son trou, Virgil sentait son haleine humide. Une odeur de lait tourné, de poulet, d’épluchures de légumes et de restes de jambon. Un repas de poubelle comme il en disputait chaque jour à d’autres chiens depuis son arrivée en France. Ici, tout s’était inversé, il construisait des maisons et habitait dehors. Se cassait le dos pour nourrir ses enfants sans pouvoir les serrer contre lui et se privait de médicaments pour offrir des parfums à une femme dont il avait oublié jusqu’à l’odeur… »
1992. Lampedusa est encore une petite île tranquille et aucun mur de barbelés ne court le long des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Virgil, le Moldave, Chanchal, le Bangladais, et Assan, le Somalien, sont des pionniers. Bientôt, des millions de désespérés prendront d’assaut les routes qu’ils sont en train d’ouvrir.
Arrivés en France, vivants mais endettés et sans papiers, les trois clandestins vont tout partager, les marchands de sommeil et les négriers, les drames et les petits bonheurs.

Mon avis :
«  Tu es blanc et je suis noir, tu es orthodoxe, je suis musulman, j’ai survécu à deux déserts en dévorant des oiseaux crus, tu as traversé la moitié de l’Europe cloué dans le plancher d’un camion, et on est là, tous les deux comme des idiots, toi loin de ta famille, moi loin de ma fille, dans le lit d’une vieille qui dessinait pour gagner sa vie. »
Les échoués sont trois exilés, trois personnages parmi tant d’autres qui dans les années 90 ont fui la misère et la violence de leur pays pour rejoindre la France.
Virgil vient de Moldavie, il a craint le communisme mais c’est sous le régime du nouveau président pluraliste qu’il fuit le pays pour que sa famille échappe à la misère.
Assan quitte la Somalie après l’assassinat de sa femme et de ses enfants par les « mooryaans », des gosses drogués armés qui sèment la terreur. Il cache avec lui Iman, sa fille de 17 ans qu’il déguise en garçon afin de lui éviter de mauvais traitements. En France, il pourra peut-être la délivrer de ce qu’elle a subi à sept ans et lui permettre enfin une vie de femme.Chanchal, jeune homme bangalais doit être un survivant dès sa naissance. Son nom veut dire « sans repos » et c’est ce qu’il doit être pour quitter le pays et sauver sa famille de la misère.
Tous les trois se retrouvent à Villeneuve-le-Roi, dans un pays qui leur urine dessus mais qui, pour eux, est le symbole de l’espoir.
Pascal Manoukian installe parfaitement son récit en nous faisant comprendre les raisons du départ, les conditions difficiles des chemins qui les mènent en France.
 » Comment témoigner de ces neuf mois de route, de ces blessures à jamais ouvertes, des humiliations, de ce monde empreint de lâcheté, de violence, du manque d’humanité, de cette négation de la vie… »
Parce que derrière les chiffres qui encore aujourd’hui nous effraient lorsque l’on parle des naufrages au large de Lampedusa, il y a des vies, des hommes et des femmes qui souffrent, qui espèrent sauver les leurs même en perdant quelques grammes d’humanité. Ils ont une forte volonté de vivre parce qu’ils sont porteur d’espoir pour leurs familles qui attendent encore sous la peur et la famine, parce qu’ils se sont endettés pour ce sacrifice de l’exil.
Pour trouver quoi ?  Vivre dans un trou creusé en forêt ou dans un squat, s’user à la tâche pour presque rien dans des conditions dangereuses pour le profit des entrepreneurs, se faire arnaquer par les profiteurs de misère, être rejeté par la majorité d’une population. Car ils sont rares les gens comme Julien qui essaient de comprendre la misère des échoués, qui les aident et les accueillent dans une famille qui pense  » que tout ce qui n’était pas partagé perdait de son goût. »
En journaliste averti, l’auteur glisse aussi quelques données sur les débuts de l’immigration, sur les habitudes de vie de chacun, sur la condition des femmes, la récupération de la misère par les jihadistes et trafiquants, le cercle vicieux de l’immigration.
 » Même ce qui semble terne chez vous brille à nos yeux! Plus vous vous rendez la vie belle et plus vous nous attirez comme des papillons. Et ça ne fait que commencer, nous sommes les pionniers, les plus courageux. Vous verrez, bientôt des milliers d’autres suivront notre exemple et se mettront en marche de partout où l’on traite les hommes comme des bêtes. Il n’y aura aucun mur assez haut, aucune mer assez déchaînée pour les contenir. Parce que ce qu’il y a de pire chez vous est encore mieux que ce qu’il y a de meilleur chez nous. »

Les échoués est un récit empli d’humanité dans lequel l’auteur glisse des regards grinçants, des notes d’humour avec le regard naïf d’hommes peu habitués à nos styles de vie.  Un récit sur des chemins de vie où parfois la providence est inattendue, où souvent chaque acte de solidarité aide à avancer, où l’on perd la foi mais jamais l’amitié, où le sacrifice reste le seul moyen de sauver des vies.

Les échoués est un premier roman majeur qui en situant son action en 1992 reste pourtant d’une cruelle actualité. Avec un sujet fort particulièrement bien amené, des personnages entiers et touchants,  un style clair et percutant et une fin symbolique, ce roman se classe dans mes coups de cœur de la rentrée littéraire.

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Auteur

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Commentaires

Stephie
22 août 2015 à 9 h 11 min

C’est un titre que je lirai, ça c’est certain 🙂



22 août 2015 à 15 h 50 min

Comment ne pas noter ? Il a l’air effectivement très fort ce premier roman…



22 août 2015 à 18 h 56 min

Excellent, je l’ai placé moi aussi dans mes coups de cœur, il prend aux tripes… j’avais déjà bien aimé le livre précédent de Pascal Manoukian



22 août 2015 à 19 h 18 min

Merci à tous pour vos lectures attentives. Qu’elle excellente idée que de se passer les livres.



    23 août 2015 à 9 h 25 min

    Votre roman connaît un succès mérité au sein de notre groupe de découverte des premiers romans. Merci pour ce roman humain qui éclaire un sujet majeur en constante actualité.
    J’espère que nos avis donneront envie à un grand nombre de lecteurs mais cela semble bien parti.



    6 novembre 2015 à 17 h 06 min

    Magnifique livre qu’il faut faire découvrir au plus grand nombre. Je lui souhaite un grand succès.



22 août 2015 à 21 h 12 min

Tout à fait dans mes lectures du moment !



22 août 2015 à 21 h 46 min

A la lecture de ton commentaire, je ne peux faire autrement que de le noter



23 août 2015 à 8 h 58 min

Je l’ai fini hier soir. C’est un premier roman remarquable, et tellement d’actualité, malheureusement.



    23 août 2015 à 9 h 32 min

    C’est un roman complet ( personnages, contexte) alliant histoires et information dans un style clair et fluide. Avec de belles pistes de réflexion qui résonnent avec l’actualité. Il y a tout ce qu’il faut.
    Je surveille ton avis



6 novembre 2015 à 17 h 04 min

Je viens de terminer ce roman. Quelle claque!
Livre à faire connaitre absolument.



19 janvier 2016 à 16 h 08 min

Je trouve cela extrêmement dommage que ce livre n’est pas fait plus de bruit que cela.. Il mérite vraiment d’être lu, il faudrait que tout le monde le lise. Je pense sincèrement que c’est un roman qui pourrait faire changer les choses ou au moins les faire évoluer. Un très gros coup de coeur pour moi !



    19 janvier 2016 à 17 h 05 min

    Coup de coeur pour l’ensemble des lecteurs du groupe lors de la lecture des 68 premiers romans français de la rentrée littéraire 2015. C’est effectivement un roman à conseiller très largement.



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