Titre : Toutes ces vies jamais vécues
Auteur : Anuradha Roy
Lettres indiennes
Titre original : All the lives we never lived
Traducteur : Myriam Bellehigue
Editeur : Actes Sud
Nombre de pages : 320
Date de parution : 4 mars 2020

En 1927, contrairement  aux principes d’éducation réservées aux filles, Agni Sen, pressentant un talent artistique chez sa fille, Gayatri, l’emmène en voyage à Bali. Ils embarquent sur un bateau qui de Madras part vers Singapour, faisant la connaissance du poète Rabindranath Tagore. Ensuite, ils font route vers Bali, où sur un lac, Gayatri fait la connaissance de Walter Spies, un peintre allemand.

Quelques jours après leur retour, Agni Sen meurt. Gayatri, dix-neuf ans, est contrainte d’épouser Nek Chand, un anglo-indien de trente-trois ans, ancien élève d’Agni Sen. Homme droit, voué à la nation, il ne tolère pas les passions artistiques et frivoles de sa femme. Très vite, Gayatri se sent en cage. L’arrivée de Walter Spies et de Beryl de Zoete vient rallumer la flamme artistique de Gayatri. Alors que son fils, Mychkine n’a que neuf ans, Gayatri quitte le domicile familial pour suivre Walter à Bali.

« La vie de mes parents était secouée de crises du fait de leur opposition systématique au sujet de ce qu’il convenait de penser ou de faire, de leurs définitions antagonistes du nécessaire et du superflu ou en ore de la liberté et de l’oppression

Mychkyne, soixante après, paysagiste retraité, nous confie les souvenirs de cette époque, souvenirs toujours un peu déformés par la mémoire, souvenirs partiels de ce qu’il en a compris à neuf ans. Un paquet venu du Canada donne pourtant un autre point de vue à cette histoire. Ce sont les lettres de Gayatri écrites à son amie Lisa, des lettres où la jeune femme lève le voile sur ses sentiments, parle de son fils et de sa vie à Bali.

Souvenirs, lettres, la construction de ce roman qui mêle personnages réels et fictifs est parfois pesante. Mais ce qu’il en ressort finalement est particulièrement attractif. Gayatri est le symbole de ces femmes qui ne peuvent résister à l’appel de leur art. J’ai particulièrement aimé découvrir quelques facettes de la vie de Walter Spies. Né en Allemagne en 1895, ce peintre et musicien homosexuel a consacré sa vie à l’art balinais. Plusieurs fois interné pour ses origines, l’homme garde un optimisme lié à la contemplation de la nature, à la découverte de formes d’art.

« Rabindranath Tagore avait conscience qu’il existe, indépendamment de la sphère éphémère des hommes, un monde plus vaste, plus profond et chargé de davantage de sens. J’y suis moi aussi sensible, comme ma mère avant moi. »

Ce septième sens particulier relie Mychkine à sa mère, Gayatri à Walter Spies.

« Il incarnait tout ce que mon corps, mon esprit et mon âme réclamaient depuis la mort de mon père – ce n’est pas seulement que j’ai enfin trouvé des gens qui le comprennent, c’est l’intégrité de mon être qui a été restaurée. Comme si toutes les possibilités de la vie avaient été enfermées derrière une porte qui s’ouvrait enfin. »

Des personnages proches de l’art, de la nature et des animaux. Peut-être incapables de comprendre les rivalités de pays en guerre. Même si l’Inde et Bali sont à des milliers de kilomètres du conflit de la seconde guerre mondiale, la colonisation les implique malgré eux.

«  Nous sommes de simples feuilles ballottées par la tempête. »

Ce roman n’est pas une lecture facile parce que la mémoire n’est pas un fil continu, une pensée fluide. Elle divague, se perd, s’enrichit. Mychkine évoque d’autres personnages, ses amis, son grand-père. Toute la richesse de son enfance et parfois des bribes de sa vie d’adulte et actuelle. Autant de personnages secondaires dignes d’intérêt.
La partie épistolaire est condensée, apportant un autre point de vue, une forme de compréhension des décisions de Gayatri. Le lecteur doit intégrer l’ensemble pour faire ressortir l’essentiel.

Mais l’ensemble donne un roman passionnant mêlant la grande histoire, le drame familial et intime, la belle nature balinaise, et surtout la découverte d’un artiste, Walter Spies. Un artiste fascinant que je ne connaissais pas et dont les bribes de vie ici racontées m’incitent à mieux connaître son engagement pour l’art et pour la nature.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

20 avril 2020 à 20 h 32 min

Je viens de terminer un roman indien tout aussi foisonnant et difficile, pour moi, à chroniquer. Le charme de ce roman m’inspire



20 avril 2020 à 21 h 40 min

Pas très tentée… mais j’aime beaucoup les récits qui mêlent la grande et la petite histoire, qui nous apprennent des choses sur des personnages historiques, sur une culture ou un lieu… Sait-on jamais 😉



Ariane daphné
21 avril 2020 à 22 h 47 min

Le thème me tente bien et j’aime généralement beaucoup la littérature indienne. Et si en plus tu l’as trouvé passionnant, alors il va m’être difficile de résister!
Daphné



23 avril 2020 à 9 h 37 min

Un billet tentateur par bien des points.



16 mai 2020 à 17 h 20 min

Le thème me tente bien… j’aime la mémoire et ses méandres. On verra si je tombe dessus.



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