Titre : La vie clandestine
Auteur : Monica Sabolo
Editeur : Gallimard
Nombre de pages : 320
Date de parution : 18 août 2022

Tissage d’histoire intime et politique

Désoeuvrée, en panne d’inspiration, Monica Sabolo cherche le sujet qui la ramènera dans le refuge de l’écriture. En écoutant une émission radiophonique, elle tombe sur un sujet sensible, l’assassinat de Georges Besse en 1986 par deux femmes du groupe Action Directe.
Loin d’être le sujet facile et efficace qu’elle espérait, cette histoire violente, ce groupe de clandestins la portent sur le chemin intime de son enfance. Secret, violence, clandestinité, le lien est ténu et l’osmose des deux récits conduits en parallèle ne se fera pas facilement.

Action directe

L’auteur enquête sur le groupe Action directe qui revendique plus de 80 attentats entre 1979 et 1987. Elle plonge dans le livre de Jean-Marc Rouillan, l’un des principaux membres du groupe et se fascine pour les deux femmes qui ont assassiné de sang-froid Georges Besse : Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron. Que cherche-t-elle avec cette histoire?
Au fil de son enquête, elle évoque plusieurs membres du groupe, relate quelques bribes de leurs origines, de leur vie. Puis, elle rencontre la très touchante Hellyette Bess, militante anarchiste qui la mettra en relation avec Claude Halfen et, consécration, avec Nathalie Ménigon libérée en 2007 après vingt ans de prison.
Combinées avec des pans de sa vie personnelle, les évocations oscillent entre faits tangibles et impressions.

le vertige de ces années-là, de cette vie qui avance et creuse son sillon avant même que l’on ait le temps de s’interroger sur ce que l’on voulait en faire, avant même d’avoir eu la moindre idée de qui l’on est.

Pas de questions, pas de réponses. C’est simple. Je m’entretiens avec les livres , ceux que je lis, ceux que j’écris, loin, très loin des vivants.

J’ai toutefois aimé les quelques réflexions trop brèves sur les questions du crime, de la culpabilité et du pardon. Car la vérité et le pardon sont bien deux valeurs qui taraudent Monica Sabolo.

Histoire intime

Lorsqu’elle se lance dans l’écriture de ce roman, l’auteur se retrouve aussi confrontée au décès de son père Yves S. Un père mystérieux, pédophile, qui, elle l’apprendra à l’âge de vingt-sept ans, n’est pas son géniteur. Cet homme riche providentiel a épousé la jeune italienne alors qu’elle était enceinte.
Aujourd’hui, Monica perçoit son enfance comme une vie clandestine où régnaient le secret, le mensonge, l’incommunicabilité. Si elle a effacé les choses qui la bouleversaient, elle tente peut-être au travers de son enquête de trouver l’expression du regret, le pardon qui lui seraient salutaires.

Une lecture en demi-teinte

Je retrouve ici ma réticence face au style de l’auteur. Contrairement à de nombreux lecteurs, je n’avais pas vraiment accroché à Summer.
Ici, la double narration entre récit intime et documentaire m’a éloignée de toute émotion. Le lien me semble particulièrement ténu entre les deux histoires. L’osmose ne s’est pas faite.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

9 janvier 2023 à 14 h 17 min

Pareil….. Sabolo n’est vraiment pas pour moi !



10 janvier 2023 à 9 h 56 min

J’ai eu les mêmes réticences que toi… je n’ai pas lu Summer mais Eden m’avait bouleversée. Pour le coup je pense qu’il te plairait.



franckartbeagmailcom
10 janvier 2023 à 23 h 59 min

Tout qui a eu entre 15 et 25 ans, fin des années ’70, début des années ’80, s’est immanquablement intéressé, ou pour le moins a entendu parler, du phénomène sociétal des groupes d’actions révolutionnaires qui ont essaimé dans beaucoup de pays de l’Europe occidentale. En Italie, les Brigades rouges, en Allemagne de l’Ouest la RAF de la bande à Baader, en Belgique les cellules communistes combattantes, et bien entendu en France, Action Directe. AD, s’est particulièrement illustré par deux actions meurtrières, les assassinats du Général Audran et de Georges Besse, PDG de Renault, qui sont depuis restées inscrites dans l’Histoire de la vie politique française. Ce groupe révolutionnaire était composé de quatre figures tutélaires, deux femmes, deux hommes : Jean-Marc Rouillan, le penseur charismatique, Georges Cipriani, Joëlle Aubron et Natahlie Ménigon. C’est aux deux femmes que sera attribué l’assassinat du PDG de Renault.
Une quarantaine d’années plus tard, prenant connaissance de l’histoire de ce groupe, Monica Sabolo, en recherche d’un sujet, décide de prendre ces faits historiques comme point d’entrée pour écrire un roman. Durant la maturation du sujet, elle prend conscience que des composantes de cette histoire font écho à son histoire familiale, notamment des émotions personnelles qu’elle a vécues et qu’elle vit encore. Elle décide alors de coupler ces deux histoires dans un roman.
Ce qui apparaît assez vite dès l’entame du livre, c’est que nous avons affaire à deux histoires différentes. Et l’on se dit alors que les deux sujets auraient pu, chacun, faire l’objet d’un livre distinct. Cette impression se voit renforcer au fur et à mesure de l’avancement de la lecture par le découpage narratif ; les chapitres traitant de l’une et de l’autre histoire, sont bien marqués.
Si on ne connaît rien sur le groupe AD, ce n’est pas grave. La manière dont l’auteure fait l’historique de ce groupe, de sa constitution jusqu’à sa dissolution, symbolisée par le procès aux assises de ses membres, est remarquable de précision et d’exactitude. MS a fait un travail de recherche et d’investigation très complet et très fouillé. Il en va aussi bien de la genèse du groupe et de sa formation, que des histoires familiales, voire de la psychologie, des trois figures emblématiques que sont Rouillan, Ménigon et Aubron. Et on découvrira que grâce à ce travail, elle va rencontrer des membres encore en vie d’AD. Ce qui représente un bel aboutissement dans sa démarche. Aussi, ne prenant que ce sujet, MS aurait déjà écrit un livre remarquable.
À cette histoire, l’auteure vient superposer son histoire familiale dans laquelle, son père d’éducation, qu’elle nomme Yves S., mène une double vie professionnelle et marquera à jamais la petite fille Monica, âgée de 10 ans. On sent que cette partie du livre n’est pas aboutie. MS ne va pas au bout des secrets familiaux parce que, dit-elle dans son livre, il y a sa mère et son frère, toujours en vie, ainsi que d’autres membres plus secondaires de la famille. Autant, elle a fouillé l’histoire d’AD et de ses membres, autant on perçoit à la lecture qu’il y a eu de la retenue, peut-être trop de retenue, à procéder de la sorte dans la recherche de la vérité dans l’histoire de sa famille.
La superposition de ces deux histoires va amener l’auteure à poser le constat suivant : à cause des évènements survenus dans son histoire familiale, elle aussi a mené, à l’instar des membres d’AD, une vie clandestine durant laquelle elle adopté le silence comme comportement usuel.

Monica Sabolo aurait pu s’épargner cette remarque si elle avait intitulé son livre « Les vies clandestines » car, des vies clandestines, il y a beaucoup dans son livre : la sienne, celles des membres d’AD, celle de Yves S., celle de sa mère, de sa grand-mère et, dans une certaine mesure, celle de son frère. Et surtout, si elle avait évité d’opérer ce rapprochement entre sa vie personnelle et celles des membres d’AD, jusqu’à les confondre dans une sorte d’équivalence.
Cela dit, et pour conclure, il n’empêche que je considère : « La vie clandestine » comme un livre remarquable sur beaucoup d’aspects : la précision dans le traitement historique d’AD, l’écriture magnifique, l’ambition littéraire qui s’en dégage. Aussi, je ne peux qu’en recommander chaleureusement la lecture.



13 janvier 2023 à 11 h 53 min

Comme toi, je n’avais pas aimé Summer, mais les précédents de l’auteure, oui. Cette lecture m’a réconcilié avec elle, même si la partie sur Action Directe m’a moins plu.



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