Titre : Une enfance de rêve
Auteur : Catherine Millet
Éditeur : Flammarion
Nombre de pages : 283
Date de parution : avril 2014
Auteur :
Catherine Millet, née en 1948 à Bois-Colombes, est critique d’art, commissaire d’exposition et écrivain français. Fondatrice de la revue Art Press, personnalité de l’art contemporain, elle s’est fait connaître du « grand public » avec son livre La Vie sexuelle de Catherine M..
Présentation de l’éditeur :
Catherine Millet a entrepris ce récit où elle raconte son enfance, son père et sa mère, pour essayer de comprendre comment on peut grandir sans se fabriquer une morale, et comment peut naître le désir d’écrire.
Mon avis :
« Car la vie dédoublée suppose non pas de s’absenter du monde pour rejoindre un monde imaginaire, mais au contraire d’être hyper-présent dans le monde, sensible au plus petit détail qui le constitue, au moindre phénomène qui le traverse. »
Pour écrire ses romans autobiographiques et surtout celui-ci, Catherine Millet s’est imprégnée de l’ambiance familiale, des premiers jours d’école, de ses lieux de vie et de vacances, de ses lectures. Mais elle va au-delà de son expérience personnelle pour donner un éclairage psychanalytique très intéressant sur l’enfance et l’adolescence.
Enfant d’un couple désuni : sa mère Simone a rejeté son père Louis dès son retour d’un camp de prisonniers . Sœur aînée de Philippe, un garçon violent et capricieux né d’une relation adultère. Vivant à cinq dans un deux pièces de Bois Colombes. A défaut d’une enfance de rêve, Catherine a dû grandir très vite et vivre dans les « rêvasseries » et les décors de la littérature ou du cinéma.
» Si les enfants des couples ratés grandissent plus vite que les autres, c’est bien sûr parce qu’ils ont accès au versant noir de la réalité conjugale, c’est parce qu’ils sont propulsés de plain-pied dans la vie des adultes, dont ils deviennent en quelque sorte les égaux. »
Les mots, la poésie, les livres sont très vite des fenêtres sur d’autres horizons.
» Quand le goût des livres vient tôt, il tient à sa fonction de fenêtre sur d’autres horizons plus ou moins extraordinaires, mais s’y ajoute le statut de l’objet livre, de propriété facile à acquérir; il est le premier bien que l’on peut avoir pour soi, égal aux biens des adultes, et non pas leur imitation, comme le sont les jouets. »
De l’enfance où imaginaire et réel cohabitent à l’adolescence où les acteurs ou le succès de la jeune Françoise Sagan la font rêver. Tout s’imbrique entre réalité et littérature de ses visites à la mer ou dans un château à la littérature de Victor Hugo ou de Chateaubriand. Car, depuis son plus jeune âge, même si elle n’ose l’avouer, elle se sent écrivain comme si » supporter ces maux était la promesse d’une vie extraordinaire. »
Ce qui m’a le plus touchée dans ce « documentaire« , comme l’appelle l’auteure, c’est cette intelligente et perspicace façon de comprendre l’enfance et l’adolescence. L’auteure met en évidence simplement le fossé entre la perception d’un adulte et celle d’un enfant souvent lié à l’apprentissage du langage ou des conventions sociales. De même, les doutes, la solitude, la découverte du corps, la recherche permanente de la reconnaissance des adolescents sont clairement explorés.
« Rien ne manque autant, au seuil de l’adolescence, que l’ami qui soit à la hauteur des ambitions que nous portons en nous sans être capables de les décrire, l’ami qui comprendra sans qu’il y ait à lui donner des explications. »
Quelques touches de souvenir, mais surtout la perception d’une enfant et d’une adolescente face aux violences conjugales, au désarroi du père, à la folie obsessionnelle de la mère, à l’accident de son frère. Comprendre comment elle grandit avec une maturité précoce, un désir d’écrire et un corps qui se révèle entre masturbation et premières règles.
Une enfance de rêve est à la fois un récit personnel sur ce qui orientera la vie et le métier de l’auteure mais aussi et surtout un documentaire d’initiation bien analysé qui servira plus généralement à comprendre les peurs de l’enfance et les doutes de l’adolescence.
Je remercie et les Éditions Flammarion pour l’attribution de ce livre lors de la dernière opération Masse Critique.
Commentaires
Ca a l’air un peu rude, comme programme.
Un peu sulfureuse, cette auteure. Et je n’ai pas lu La vie sexuelle de Catherine M.
J’ai lu La vie sexuelle de Catherine M que je n’ai pas trop aimé, un peu trop provoc’ à mon gout. Il me semble qu’on en est dans le même registre avec ce roman.
Je ne l’ai pas lu mais j’en ai vu des critiques. Il me semble que celui-ci est bien moins dans la provocation et pourrait même expliquer » ses dérapages » de jeunesse. Par contre, le style reste aussi très direct.