Titre : Casting sauvage
Auteur : Hubert Haddad
Editeur : Zulma
Nombre de pages : 160
Date de parution : 1mars 2018

Un roman d’Hubert Haddad est toujours une promesse d’un voyage poétique. Si cette fois, il ne nous entraîne pas plus loin que Paris, c’est sous une toute autre lumière que vous découvrirez la capitale.
«  Paris où l’on se consume de famine et de solitude. »

Damya, une ancienne danseuse blessée lors de l’attentat du 13 novembre, arpente de son pas incertain les rues de Paris à la recherche de figurants, très maigres, décharnés pour une grosse production qui parle de guerre et de déportation.
Barbès, les hauteurs de Montmartre, Porte de la Chapelle, rue de la goutte d’or, tous les quartiers de solitude sans nombre. Jussieu car parfois les étudiants souffrent aussi de privations, de stress et d’isolement. Chez chaque délaissé rencontré, il y a toujours la grandeur d’âme des gens de la rue.
«  Paris foisonne de ces hordes de gosses délaissés, orphelins et bannis plus ou moins drogués au Valium et aux vapeurs de colle; du matin au soir, du soir au matin, ils survivent de mendicité ou de rapines, tout colle dans Los Olvidados, ce film en noir et blanc de Luis Buñuel. »

Ce sont des figures croisées rapidement comme Amalia à « l’expression désemparée », le fantassin ou le jongleur des rues, l’assassin libéré de prison au service des réfugiés, des exilés que personne n’attendait nulle part.

Et puis, il y a l’histoire de Damya, d’Egor, son ancien professeur de danse, de Lyle, son amie et employeuse. Celle de Mathéo qui broie son chagrin dans l’alcool, seul sur sa péniche amarré près du pont de la Tournelle, là où son amour s’est jeté dans la Seine.
Des rencontres fugaces et puis celle tant espérée du jeune inconnu de la rue de l’Equerre. Il lui avait donné rendez-vous à la terrasse de ce café le jour où sa vie a basculé. Elle croit encore voir sa silhouette à chaque coin de rue. « Damya n’a pas oublié sa voix rieuse un peu grave ni la couleur cendrée de ses yeux. »

Ce roman peut sembler fantomatique, sombre mais il a la grâce de son personnage principal. Malgré sa blessure, Damya a cette légèreté d’un oiseau à l’aile cassée que le vent emporte. Elle connaît la chute mais elle garde l’espoir d’une rencontre. Parfois « l’invraisemblable et l’espéré se rencontrent », il faut croire aux coïncidences.

Et puis, il y a l’écriture d’Hubert Haddad. Parfois, elle nous perd. Souvent, elle nous emporte. Dans Casting sauvage, elle est superbe, parfaitement dosée entre la richesse et la poésie.
«  Face au monstrueux fond de gorge d’un brun pourpré de la salle de spectacle où clignotait la luette d’une sortie de secours, Egor, dos au mur des coulisses, prit la mesure de son découragement. Avec qui négocierait-il l’intégrité de son voeu? Socrate a bu la ciguë, bientôt vieux, condamné aux guenilles de la chair, pour égaler la beauté des éphèbes qui l’assistaient.Mais on ne saurait racheter un lâche avec une belle fin. Damya eût pu être son chef-d’oeuvre. Il avait aimé plus que de raison en elle cette énergie obstinée et tellement paradoxale, dans l’abandon à sa volonté. Elle s’était coulée comme de la neige fondue dans son personnage. Rose détachée de son buisson d’épines et toute ébarbée des altérations disgracieuses que traînent les créatures, on ne lui demandait plus qu’à jaillir du néant. »

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

22 mars 2018 à 15 h 48 min

Hubert Haddad est souvent promesse d’une belle lecture. J’ai noté celui-ci



23 mars 2018 à 14 h 07 min

Je me laisserai bien porter par ce texte.



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