Titre : Plasmas
Auteur : Céline Minard
Éditeur : Rivages
Nombre de pages : 160
Date de parution : 18 août 2021
Une écrivaine hors norme
Céline Minard est une auteure atypique dans le paysage littéraire français. Philosophe, elle triture la langue, magnifie les espaces. A chaque roman, elle nous surprend, nous désarçonne, nous désoriente. Il n’est souvent pas facile de trouver son chemin dans ses textes ambigus. J’y suis parvenue avec Le grand jeu. C’est un peu plus complexe ici.
Un roman éclaté
Les chapitres sont plutôt des nouvelles centrées sur des expériences scientifiques dans un monde futuriste. aucune précision sur les lieux ou les dates. Nous sommes souvent sur terre mais parfois dans l’espace. L’auteure se joue des frontières entre les espèces, les époques, les espaces pour toujours faire triompher le vivant. Un vivant en éternelle adaptation dans des espaces dénaturés. Je me suis perdue dans l’espace, les lacs d’asphalte, les recherches biologiques, les jungles reconstituées, les tempêtes. Le vocabulaire est recherché. On le croirait inventé mais il est spécifique, technique à part quelques expressions imagées. Nous sommes bien loin du monde de ceux qu’elle nomme « les vieux ancêtres« , ces êtres mous mal adaptés dont la surpopulation a ruiné la Terre.
Une logique
De cet éclatement, de ces histoires en suspension, l’auteur finit par créer un lien avec notre rapport au monde. Plantes ou animaux hybrides capables d’adaptation, minéral chutant de la stratosphère pour s’enliser dans la terre traversant et reliant les couches de l’espace. Avec l’histoire d’Uiusch, animal lent suspendu à une branche, l’arbre est le symbole du lien entre les épaisseurs de la terre. Il s’impose comme un élément de survie.
Uiush était coquet.
Il tenait pour un grand avantage la présence en nombre de cyanobactéries et de symbiotes chlorophylliens dans la parure corporelle. C’était, à ses yeux, la marque et le sens d’une fourrure de choix. Ainsi que le signe de son intimité avec le monde. Plus il était vert et moiré, plus il était feuille parmi les feuilles, accroché par la corne de ses griffes à sa branche, accordé aux ambiances de son hôte. L’arbre le portait comme il portait ses papillons, ses coléoptères, ses algues et ses virus sanitaires. Gracieusement. Il s’attachait à ne pas le chatouiller, à ne pas peser plus qu’un hamac aux attaches relâchées, à ne jamais érafler l’écorce. Et surtout, à ne pas le prendre de vitesse.
Un roman écologique
Dans ce roman, on glane quelques allusions à l’inéluctable destruction de l’environnement et de l’espèce humaine. Mais l’auteure semble vouloir y glisser le triomphe du Vivant malgré la chute inexorable.
En première lecture, un roman de Céline Minard est pour moi complètement abscons. Puis, il faut écouter l’auteur, en parler avec d’autres lecteurs, relire certains passages avec cet éclairage, dépouiller avec lenteur, Mais si vous n’avez jamais lu l’auteur, ne commencez pas avec ce roman qui est tout de même très spécial.
Commentaires
Encore une auteure qui est complètement hermétique pour moi…. J’ai tenté Le grand jeu et un autre je crois mais comme tu le dis atypique et on s’y perd sans jamais s’y retrouver et s’il faut aller l’écouter ou autre pour comprendre je ne suis pas sûre que c’est ce que j’attends d’une lecture. 🙂
Ça ne me gêne pas d’aller écouter un auteur sur Internet, lors d’une émission comme la Grande Librairie ou lors d’une rencontre en librairie pour aller plus loin dans sa vision des choses. Pour moi, la lecture ne s’arrête pas quand j’ai fermé le livre. D’ailleurs, ta chronique sur Avec Bas Jan Ader m’a incitée à faire des recherches sur cet artiste. Je crois que sans cela, je serai passée un peu à côté du livre. Il me semble que l’auteur ne m’en disait pas assez pour vraiment appréhender cet artiste peu connu. Merci pour ton commentaire qui permet un échange intéressant. Nos différences sont source d’enrichissement.
Oui c’est bien ce que j’avais compris.. il te manquait des informations dans ta lecture… Je différencie l’envie d’en savoir plus parce que la personne ou le fait pique ma curiosité du besoin de comprendre ce que le récit ne m’a pas dit où que je n’ai pas compris…. Oui c’est passionnant d’échanger nos point de vue et ouvre ainsi d’autres portes…😉
Il m’est tombé des mains. Il faut dire que la SF et moi, on n’est pas copain.
Les chutes sont justement un des thèmes. Normal qu’il te tombe des mains…😉 Non, sans plaisanter, je comprends ta réaction.
je n’ai encore jamais tenté de lire ses romans et pourtant « Faillir d’être flinguée » (?) traîne dans ma PAL depuis longtemps 🙂
Je ne l’avais pas lu celui-ci, il avait eu de bons échos, me semble-t-il
c’est celui que les babeliotes plébiscitent 🙂
Oh oui, « Faillir être flingué » est excellent ! Il faut le lire… rien à voir avec « Le grand jeu » -auquel je suis restée complètement hermétique-, c’est une sorte de western échevelé, avec des personnages inoubliables !!
Plus dans le genre de Bacchantes alors, qui m’avait fait penser à une déclinaison de La casa de papel 😊