Sur la route de jostein

 

Titre : Ce qu’il nous faut de remords et d’espérance
Auteur : Céline Lapertot
Editeur : Viviane Hatmy
Nombre de pages : 224
Date de parution : 19 août 2021

 

Un sujet audacieux

Pour ou contre la peine de mort?
Dans la société actuelle où chacun se plaint d’une certaine décadence, face au terrorisme, à la pédophilie, aux complots et à l’insécurité, le débat prend place sur les réseaux sociaux ou dans les manifestations de rue.
Céline Lapertot s’empare du sujet sans polémique mais en l’illustrant d’un cas d’école. Mais à la lueur de cette histoire de famille, elle prend soin de traiter toutes les facettes. L’auteur n’hésite jamais à convoquer les images fortes, les figures de style percutantes, les mots qui frappent pour mieux impliquer le lecteur.

Un terreau familial

Pour l’anniversaire de ses dix ans, Roger est heureux d’attendre son père. Un homme souvent absent pour voyages d’affaires. Mais « le cadeau » qui l’attend va ébranler sa vie. Ce père, qui, en fait, menait une double vie, amène le fils de cinq ans qu’il a eu avec une autre compagne récemment disparue.

La jalousie est née du fait accompli.

Roger vouera une haine féroce envers ce frère que sa mère accepte bien trop facilement à la maison. Leur différence aggrave la rancoeur. Roger fait des études de droit tandis que Nicolas aime la musique.
Leur chemin se sépare définitivement suite à une soirée où ils en viennent aux poings.

En une décennie, l’idée de meurtre légitime dans des conditions politiques et morales encadrées par la société germe dans l’esprit de Roger.

Aujourd’hui, Nicolas est chanteur dans un groupe de rock. Roger Leroy est ministre de la Justice, porteur d’une loi en faveur du rétablissement de la peine de mort.

Un fait divers qui let le feu au poudre

Ce projet de loi tombe à point pour l’opinion publique, choquée par le viol et le meurtre d’une petite fille.

Les mentalités font les lois, oui, les gens, leur rage, leurs émotions intériorisées prêtes à exploser, foutent la trouille aux députés.

Le meurtrier récidiviste, bien vite retrouvé, sera le premier à passer à la guillotine.

Qui meurt, qui vit, quid de la Justice, de la Vengeance, ce qu’on pardonne, les absolutions qu’on ne donnera jamais, les souffrances inacceptables et celles qu’on pourrait envisager d’administrer. Jusqu’où peut se tendre une main violente, quand peut-on s’arroger le droit de punir à l’extrême ce que l’on estime impardonnable.

La rivalité des deux frères apporte une illustration percutante à ce débat majeur de la société.

Dans ce débat, rien n’est oublié 

D’un récit singulier, l’auteur éclaire tous les points de vue. Vision familiale, politique, policière, juridique, rien n’est oublié. De la mère du premier condamné à mort qui s’interroge sur la faille éventuelle dans son éducation, de la virilité sociale d’un homme politique ou de l’arrivisme de son second, du poids moral sur les épaules de l’avocat ou de l’enquêteur, du ressenti des meurtriers et des accusations, des clivages politiques et sociétaux. Tout y est. Certes, parfois, de manière fugace mais toujours de manière percutante par effet de style.

Un style percutant

Le sujet est fort, son traitement est exhaustif. Mais surtout, le style fait mouche. Nous sommes en pleine tragédie contemporaine, émaillée de références littéraires et mythologiques. Céline Lapertot n’a peur ni des sujets tabous, ni des mots impurs, ni des images choquantes. Ce courage, cette franchise donnent de la puissance à ces textes, ces images qu’elle nous assène comme des coups de poing. Ses personnages vibrent, leurs émotions sont palpables.

Une lecture coup de poing, coup de coeur qui ne peut laisser indifférent et qui suscite inévitablement la réflexion. Un des romans forts de cette rentrée littéraire.