Titre  : Trois filles d’Eve
Auteur : Elif Shafak
Littérature turque
Titre original : Three daughters of Eve
Traducteur : Dominique Goy-Blanquet
Editeur : Flammarion
Nombre de pages : 480
Date de parution : 10 janvier 2018

 

Istanbul en 2016

Péri, épouse d’un homme d’affaires et mère de famille, se rend à un dîner de la bourgeoisie stambouliote avec sa fille. En chemin, elle peste contre la circulation démentielle d’Istanbul, la misère et la délinquance. D’ailleurs, elle se fait voler son sac posé sur le siège arrière de la voiture. En coursant les enfants voleurs, elle se retrouve face à un géant drogué et armé. Elle parvient à s’échapper mais lors de la bagarre, le contenu de son sac se répand. S’en échappe une  photo d’un homme entouré de trois jeunes filles devant la bibliothèque bodléienne d’Oxford.
Péri arrive à son dîner blessée, avec une robe salie et arrachée mais surtout perdue dans les souvenirs de sa jeunesse ramenés à la surface par cette photo.

La jeunesse de Péri

La famille de Péri vit dans un quartier pauvre. Mensur,  son père est athée et fervent défenseur d’Atatürk contrairement à sa mère, Selma, dévote et radicale. Péri grandit au milieu de conflits permanents autour de la religion. De plus, Umut, son frère préféré, communiste est emprisonné alors qu’elle n’a que sept ans. Depuis cette date, Péri est en éternel conflit avec Dieu. Parfois, elle est hantée par l’apparition d’un bébé dans la brume.
Heureusement, son père qu’elle adore, insiste pour qu’elle aille faire ses études à Oxford, au grand dam de sa mère craignant pour sa réputation.

Oxford

Dès son arrivée à l’Université, Péri est prise en charge par Shirin, une étudiante iranienne complètement occidentalisée. Plus tard, elle rencontre Mona, une jeune fille égypto-américaine qui assume de porter le voile malgré les remarques désobligeantes des étudiants et de la population anglaise. Shirin, Mona et Péri, respectivement surnommée La pêcheresse, la croyante et la déboussolée. Elles sont les trois filles de la photo réunies autour du professeur Azur, un professeur controversé pour ses méthodes d’enseignement. Mais un homme qui va changer la vie de Péri l’indécise.
Sous l’influence de Shirin, Péri s’inscrit au cours du professeur Azur sur Dieu. Azur choisit ses élèves parmi toutes les croyances et leur impose de se débrasser de leurs certitudes et de débattre avec respect.

Trop de gens souffrent de M.D.C.. Quelqu’un sait ce que c’est?…
« Maladie de la Certitude. »
La certitude était à la curiosité ce que le soleil était aux ailes d’Icare. Si l’une brillait à plein régime, l’autre ne pouvait survivre. Avec la certitude venait l’arrogance; avec l’arrogance, l’aveuglement; avec l’aveuglement, l’obscurité; avec l’obscurité, encore plus de certitude. Phénomène qu’il appelait nature contraire des convictions.

Inutile de vous dire qu’Elif Shafak nous régale de discussions sur les religions, l’Europe, la démocratie, les doutes, la place de la femme, notamment musulmane,  dans la société.

Un roman passionnant

Passionnant pour le parcours de Péri, une jeune femme toujours dans l’incertitude, l’excuse, cherchant sa place dans la société.

Toujours entre deux chaises, redoutant d’attirer l’attention, réticente à choisir son camp, si obsédée par la peur de contrarier quelqu’un qu’elle finissait par décevoir tout le monde.

Mais aussi pour le regard toujours perspicace et sans concession d’Elif Shafak sur la société anglaise et surtout sur la Turquie actuelle.

L’Angleterre a une façon étrange d’infliger aux étrangers un sentiment réjouissant de liberté et une solitude déprimante.

Une dictature bienveillante, ça n’existe pas.

Elle dresse notamment un portrait au vitriol de la haute société stambouliote lors du dîner de Péri . Une Péri, qui, cette fois, ne mâche pas ses mots.

Nous ne pouvons nous reconnaître qu’à travers le visage de …l’Autre.

C’est un roman particulièrement équilibré, intelligent mais très rythmé et passionnant. En alternant les chapitres du présent dans cette soirée bourgeoise et le passé à Oxford, l’auteure , en conteuse hors pair, nous donne l’envie de tout savoir su le passé et le présent de Péri.

Ecrit en 2017,  les propos de l’auteur sont particulièrement d’actualité avec cette discussion sur la fin de la démocratie et cette phrase

-…L’UE est en lambeaux
– Ils se sont conduits comme des chatons quand la Russie s’est mise à faire le tigre en Ukraine, poursuivit l(architecte, maintenant lancé à plein régime. Que ça vous plaise ou non, nous vivons au siècle des tigres. Bien sûr on ne vous aimera pas si vous êtes un tigre. Mais ils auront peur de vous, et c’est ça qui compte.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

20 juin 2022 à 14 h 15 min

Les livres que j’avais lu de cette autrice m’avaient beaucoup plu mais cela fait longtemps que je ne me suis pas plongée dans un de ses écrits. Une bonne occasion de m’y remettre, peut-être.
Daphné



nathaliesci
30 juin 2022 à 13 h 29 min

Un autrice que je ne connais pas encore… Dans ma pal il y a « Lait noir » que je voulais lire pour le printemps de la littérature Turque et puis le mois de juin est passé trop vite !!



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