Titre : La double vie de Jesús
Auteur : Enrique Serna
Littérature mexicaine
Titre original : La doble vida de Jesús
Traducteur : François Gaudry
Éditeur: Métailié
Nombre de pages : 368
Date de parution : 25 août 2016
Parmi mes lectures de rentrée, le roman d’Enrique Serna est le plus complet et le plus captivant ( mais je n’en suis qu’au début de ma découverte). Contexte politique et social du Mexique, personnages complexes pris entre leur volonté et leur nature, suspense en pleine campagne électorale. Tout cela sur un ton grinçant, parfois drôle, efficace qui ne laisse aucune place au romanesque mais nous plonge dans l’atmosphère des très bons romans noirs.
Jesús Pastrana, quarante trois ans, est commissaire à la Cour des Comptes de Cuernavaca, dans l’État de Morelos, le deuxième plus dangereux du Mexique.
La ville est aux mains de deux cartels, les Tecuanes et les Culebros qui achètent l’ensemble de la classe politique dont le maire actuel, Aníbal Medrano. Les narcotrafiquants font régner la terreur dans les rues.
» Je ne veux pas que mes enfants grandissent dans un pays gouverné par des escrocs et des criminels, où personne ne peut vivre en paix. »
C’est pour cela que Jesús va se battre afin d’être le candidat de son parti, le PAD (Parti d’Action Démocratique) pour les prochaines élections de la mairie.
Marié à Remedios, « image vivante de la mesquinerie bourgeoise » devenue aigrie et aussi desséchée qu’un fakir, Jesús ne la désire plus et ne la supporte que pour le bien-être de ses enfants. Hanté par un souvenir de jeunesse, celui de n’avoir pas su défendre Gabriel, son meilleur ami d’école, Jesús ne veut plus être » l’enfant sage et appliqué qui avait eu peur de la religion de la liberté. »
Refusant de nier ses pulsions au nom de la raison, un soir de galère, bien imbibé d’alcool, il suit une prostituée transsexuelle, « une jolie biche toute jeune, d’une gracile allure de ballerine. » Très vite, il tombe amoureux de Leslie, qui n’est autre que le frère jumeau du chef du clan des Tecuanes, Lauro Santoscoy.
Vouloir faire campagne contre la corruption demande beaucoup de rigueur et d’acharnement et cette liaison fatale ne va pas simplifier la tâche.
Aidé de son adjoint, Israel Durán, de Felipe Meneses, un des rares journalistes qui ose dénoncer les abus des politiques corrompus puis de Cristina, conseillère prête à s’engager pour défendre le mariage gay et la libéralisation de l’avortement, Jesùs, surnommé » le sacristain » part en campagne contre Arturo Iglesias, le candidat du parti adverse, le PIR, soutenu par les corrompus du PAD et flanqué d’une femme sublime et charismatique qui ravit les médias.
Autant dire que la bataille de Jesùs sera rude. Comment rester intègre quand la vie privée peut devenir une bombe médiatique, que les caprices de Leslie engendrent des situations périlleuses, que vous entrez dans la famille d’un chef de gang, que votre propre parti ne vous soutient plus? Peut-on se frotter au pouvoir et rester intègre?
» On a raison de dire que le pouvoir intoxique les gens: aucune drogue ne pouvait se comparer au plaisir de changer les désirs en actes. »
Le récit est passionnant, calibré, avec des scènes grandioses et des moments de doute et de réflexion. Les personnages sont travaillés, versatiles parfois insaisissables suivant les événements. Du rythme, de l’ironie permettent de dédramatiser le contexte social du Mexique où la corruption est bien mieux tolérée que la liberté des mœurs.
Ce fut une découverte d’auteur et une lecture passionnante et prenante.
Commentaires
j’ai autant aimé que toi
On en parle encore peu sur les blogs, contente de savoir que tu as aimé aussi.
Un autre titre de la rentrée Métailié m’attend, j’avais toutefois noté celui-ci également.
J’aime beaucoup l’univers de cette maison d’édition.
Effectivement, il a l’air passionnant ! Pas certaine de trouver le temps pour m’y plonger par contre… 😉
Plus tard peut-être
Cela fait plusieurs auteurs sud-américains que je découvre et, ma foi, je suis emballée. J’ai été tentée, et je le suis encore, par ce livre. Pas certaine de la trouver à la bibli
Un titre ambigüe. Tu crois que c’est fait exprès ?
J’ai tellement aimé son roman précédent ! Celui-là m’attend et je vais l’aimer, ça ne fait aucun doute.
En le lisant, je pensais que cette atmosphère ressemblait aux grands romans noirs américains des années 50 (psychologie, ironie, étude sociale…) ce que tu aimes, non?
Métailié nous promet une belle rentrée littéraire, plusieurs sont dans mon viseur et notamment celui-ci pour lequel je pense craquer très prochainement. Merci pour cette chronique complète et alléchante 🙂