Titre : Vivre à ta lumière
Auteur : Abdellah Taïa
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 208
Date de parution : 4 mars 2022

 

Malika en trois rencontres

Malika est née dans une famille pauvre à Beni-Mellal. Orpheline de mère, elle est malmenée par la seconde épouse de son père. A dix-sept ans, elle préfère se marier avec Allal, un homme de vingt-sept, gentil mais pauvre. Pour les sauver de la misère, Allal s’engage pour l’Indochine. Il n’en reviendra pas. Veuve à vingt ans, Malika garde une profonde rancune à la France.

On la retrouve des années plus tard à Rabat, mariée et mère de neuf enfants. La famille habite un petit logement proche du Palais Royal. Malika rêve de marier sa fille Khadija à un homme important des ministères. Aussi refuse-t-elle de manière véhémente de laisser sa fille faire la bonne pour Mireille, une française née à Casablanca.

Elle se comporte comme ils se comportent tous ici, les riches et les français, comme si la colonisation n’était pas terminée.

Après la promenade romantique d’Allal et de Malika aux cascades d’Ouzoud, le face à face ensorcelant avec Mireille aux ruines de Chellah, nous assistons finalement à la confrontation de Malika, vieillie et abandonnée, avec Jaâfar, un jeune voleur, dans sa maison de Salé.

Trois moments, trois rencontres à des périodes historiques clés du Maroc. Dans ce roman, Abdellah Taïa, sous la colère d’une  femme, dresse aussi le portrait du Maroc, d’une société contradictoire entre homosexualité, tabous et sorcellerie.

Etre mère

Malika est une femme, une mère à la fois méchante et touchante. Il faut écouter son histoire pour comprendre comment la  pauvreté, les humiliations, les revers du destin ont forgé son caractère.
Soucieuse de sortir de  la pauvreté, de vouloir le meilleur pour ses enfants, elle en a oublié l’essentiel : la tendresse, l’écoute et la protection. C’est toute l’ambiguïté d’une mère sacrificielle.
Finalement, Jaâfar, ce petit voleur la met face à sa responsabilité dans le départ, aujourd’hui regretté, de son fils Ahmed.

Tu joues parfaitement le rôle  de l’abandonnée devant moi, mais c’est toi qui l’as abandonné, Ahmed, pas l’inverse.

Hommage à la mère

Abdellah Taïa le dit en exergue et dans le résumé de quatrième de couverture.

Malika, c’est ma mère : M’Barka Allali Taïa (1930-2010). Ce livre lui est dédié.

Douze ans après sa mort, il lui rend hommage en une forme d’ultime pardon. Ce récit montre le combat d’une mère contre son destin, le destin de toute femme pauvre dans une société que Mehdi Ben Barka aurait peut-être pu sauver.
Avec ses armes, le courage et la sorcellerie, elle a tenté de sauver sa famille de la misère et de l’attrait maléfique de la France.
Si elle a réussi à bâtir une grande maison à Salé, elle est vide. Son plus grand regret reste le départ de son fils pour la France, un pays qui lui avait déjà pris l’amour de sa vie.

L’auteur donne une belle lumière à son pays. Un pays où la sorcellerie fait partie de la culture, une société où l’homosexualité est très présente mais largement punie. Un pays où les jeunes homosexuels se sentent plus libres en prison. La liberté est-elle une illusion?

Au moins derrière ces murs, il n’y a pas à se justifier de quoi que ce soit. L’amour entre hommes est autorisé,  facilité, encouragé.

Derrière la colère et la dureté apparente de sa mère, à la lueur de son histoire, le fils a peut-être vu le courage d’une femme qui voulait vivre et faire vivre ses enfants dignement à la lumière de son beau pays.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

20 juin 2022 à 17 h 11 min

Une lecture qui a l’air passionnante.



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