Titre : La plus secrète mémoire des hommes
Auteur : Mohamed Mbougar Sarr
Editeur : Philippe Rey
Nombre de pages : 448
Date de parution : 19 août 2021

 

Le labyrinthe de l’inhumain

En 2018, Diégane Latyr Faye, écrivain sénégalais, double de l’auteur Mohamed Mbougar Sarr, découvre un roman polémique, une oeuvre disparue, écrite en 1938 par T.C.Elimane.  Le labyrinthe de l’inhumain conte l’histoire d’un roi acceptant de brûler les vieillards de son royaume en échange du pouvoir absolu. Ce roman défraya la chronique. Pas assez africain, il alimentait la vision coloniale d’une Afrique violente et barbare. Mais surtout, l’auteur fut accusé de plagiats. Celui qu’on appela un temps « Le Rimbaud nègre » dut fuir le monde sous les critiques violentes des critiques et lecteurs.

Le pouvoir d’un livre

Et pourtant, ce manuscrit et cet auteur disparus attirent obstinément quelques passionnés de littérature. Mais on ne s’approche pas impunément d’un tel gouffre. Derrière la quête de ce roman, Diégane cherche aussi ce qu’il attend de la littérature. Cette intrigue particulièrement bien menée sur un livre et la quête de son auteur est aussi un roman d’émancipation autour de Diégane. Après l’échec de son premier roman, Anatomie du vide, Diégane doute de son choix. Que peut transmettre un écrivain africain, européanisé par la colonisation? Peut-il espérer un jour être adoubé par le milieu littéraire français?

J’ai fini par comprendre que non seulement être compris est rare en littérature, mais qu’il faut encore tout faire pour ne l’être jamais totalement, quand on est écrivain. Je peux désormais écrire étant délivré de l’angoisse de n’être pas compris.

Un livre-monde

En suivant la quête obstinée de Diégane, nous parcourons le monde de l’Afrique natale des auteurs, régie par les rites ancestraux, nimbée d’ésotérisme mais nous croisons aussi toutes les guerres du monde et tant d’âmes perdues prêtes à succomber sous la présence fantomatique de TC Elimane. Des guerres, des exils qui alimentent la fibre créatrice de Siga, fille de l’oncle d’Elimane, de la poétesse haïtienne ou de Musimbwa.

Notre préoccupation profonde concerne le passé ; et tout en allant vers l’avenir, vers ce qu’on devient, c’est du passé, du mystère de ce qu’on fut, qu’on se soucie…Et même le remords ou les repentirs ne suffisent pas à modifier le caractère irrévocable du passé ; bien au contraire : ils le confirment même dans son éternité. On ne regrette pas seulement ce qui a été ; on regrette aussi et surtout ce qui sera à jamais.

L’amour de la littérature

Un grand livre ne parle jamais de rien et pourtant tout y est

C’est peut-être ce qui rebutera certains lecteurs tant par la difficulté d’y trouver un axe majeur ( pouvoir de la littérature, influence de la colonisation sur la littérature africaine, quête existentielle…) que par le caractère foisonnant de tant d’histoires, toutes aussi passionnantes.

Ce roman mérite largement sa place de finaliste aux plus prestigieux prix de la littérature française. Avec un style de grande qualité, l’auteur nous emmène dans les tréfonds de l’âme tourmentée de ses personnages en quête de sens. Il faut vivre avec ses fantômes, « se tenir droit dans la plaie sacrée, la voir et la montrer en silence. »

C’est un hommage fabuleux à la littérature et notamment à la littérature africaine.

Cet avertissement nous disait , à nous écrivains africains : inventez votre propre tradition, fondez votre histoire littéraire, découvrez vos propres formes, éprouvez-les dans vos espaces, fécondez votre imaginaire profond, ayez une terre à vous, car il n’y a que là que vous existerez pour vous, mais aussi pour les autres.

Dans le cadre du mois africain, vous trouverez plusieurs avis sur ce roman incontournable de la rentrée littéraire : Natiora, Mimi

 

 

 

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires



20 octobre 2021 à 10 h 12 min

Tu en parles merveilleusement bien !



20 octobre 2021 à 11 h 31 min

Je l’ai vu à La Grande Librairie et son éloquence m’a éblouie…. Il est dans ma liste d’envies depuis -:-)



20 octobre 2021 à 11 h 39 min

Il est bien placé dans ma PAL, il m’a été conseillé par Diop! j’espère le lire avant les grands prix.



20 octobre 2021 à 11 h 42 min

Tu en parles merveilleusement bien ! Et je suis très contente que tu sois aussi tombée sous le charme de ce roman.



20 octobre 2021 à 14 h 36 min

il me tente aussi! pour faire la connaissance de l’univers de l’auteur (qu’à ma grande honte je ne connaissais pas!)



20 octobre 2021 à 15 h 56 min

Un livre passionnant pour ses thématiques autour de la littérature et de la décolonisation mais je me suis un peu perdue dans le récit . J ai préféré son roman précédent de Purs Hommes



20 octobre 2021 à 16 h 42 min

Ton avis me conforte dans mon envie de le lire, d’autant pus que j’avais beaucoup aimé « De purs hommes », du même auteur. J’ai également lu son 1er roman, pour ce mois africain (billet à venir), qui est intéressant, mais stylistiquement moins abouti que la suite de son oeuvre.



21 octobre 2021 à 11 h 41 min

Je crains un peu de ne pas adhérer à l’histoire du roman dans le roman… ça me gêne toujours un peu quand je rencontre cela dans des livres. On verra quand je le trouverai.



21 octobre 2021 à 13 h 20 min

Ce que tu dis du style et de l’histoire me tentent beaucoup.



belavalflorin
15 novembre 2021 à 15 h 55 min

Lu juste avant le prix Goncourt, bien mérité! Je vais le savourer maintenant car il est complexe..!



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