Sur la route de jostein

Titre : Aliène
Auteur : Phoebe Hadjimarkos Clarke
Editeur : Sous sol
Nombre de pages : 288
Date de parution : 5 janvier 2024

 

Fauvel

Feu follet à l’adolescence, Fauvel est devenue une personne triste et fatiguée. Lors d’une manifestation, elle a perdu un oeil suite à un tir de LBD. Depuis, elle est hantée par la peur. Une peur accrue qui, toutefois, existait déjà  dans son enfance et son adolescence. Elle décide alors de quitter la violence de la ville. Son amie Mado lui propose de garder le chien de son père pendant son voyage. Fauvel rêve de ces quelques jours dans la campagne du joli village de Cournac. Mais l’endroit se révèle plus sauvage que prévu.

Hannah

En effet, dès le premier jour, Fauvel se confronte à l’étrangeté. Hannah 2, le chien qu’elle doit garder, est en fait un clone. L’animal source trône empaillée au milieu du salon.
Lors de la première sortie, elles croisent des chasseurs sanguinaires qui semblent craindre la sauvagerie d’Hannah 2. Depuis quelques temps du bétail est massacré, sauvagement dépecé. Le village accuse Hannah 2.
La perte de la vision offre à Fauvel une nouvelle perception de l’environnement. Un nouveau monde s’ouvre à elle, plus sensoriel. Après une réserve vis à vis d’Hannah, elle finit par s’attacher à elle. Et cette affinité devient réciproque. Finalement toutes deux vivent dans un corps qu’elles n’ont pas choisi. En s’affranchissant des limites entre espèces, Fauvel trouve du courage auprès de la chienne. Aussi ose-t-elle mener l’enquête pour la défendre.

Elle espère qu’elle pourra, ainsi, rétablir une justice qui lui semble s’être perdue quelque part ailleurs, un peu plus tôt dans la vie, dont elle a douté un moment qu’elle existe mais qu’elle sent en ferment dans ses membres.

Un monde sauvage

Julien, ancien employé de l’usine d’eau minérale, est la chef d’une bande de chasseurs justiciers. Plusieurs d’entre eux disent avoir rencontré des extraterrestres. Hantés par de vieilles croyances, ils chassent sauvagement pour tuer l’animal qui massacre les troupeaux. Est-ce Hannah ou une ourse ? Ou même l’un d’entre eux qui aurait une revanche à prendre.

La fête, la cruauté, la recherche de justice, l’émeute, tout émerge du même désir : celui d’échapper à ce qu’est, à l’instant présent, l’expérience du monde.

Phoebe Hadjimarkos Clarke nous emmène dans une enquête politico-sociale addictive. Elle nous plonge dans un univers brumeux, nous tient toujours en lien avec la peur.
Derrière ce texte parfois un peu étrange et choquant, l’auteure montre les formes de domination de notre société. La peur entrave alors le discernement, devient une menace.

La peur rend stupide, la peur reforme le monde, le referme : tout peut devenir le signifiant d’une menace, et le langage, les indices que laisse partout le destin ne sont plus que les marqueurs sourds de la violence à venir, et rien d’autre; peu à peu les choses n’ont plus de sens que celui-là, celui du danger.

Aliène est un roman atypique, moderne, brumeux et pourtant très éclairant sur les dérives de notre société. On y perçoit en arrière-plan la crise des gilets jaunes, les menaces environnementales, la question animale, la télé-réalité, la solitude, la liberté sexuelle.