Titre : L’herbe maudite
Auteur : Anne Enright
Littérature irlandaise
Titre original : The green road
Traducteur : Isabelle Reinharez
Editeur : Actes Sud
Nombre de pages : 304
Date de parution : 1 mars 2017

Couronné du Man Booker Prize en 2007 pour The Gathering ( Retrouvailles, Actes Sud 2009), Anne Enright poursuit son analyse des relations familiales dans une Irlande en évolution.
Avant de mettre en scène le retour des enfants Madigan autour de Rosaleen, la mère veuve désireuse de vendre la maison de famille, l’auteur décrit le parcours de chacun des années 80 à ce jour de Noël 2005.

C’est probablement dans les années 80 que Rosaleen perçoit la difficulté d’être mère et de ne plus maîtriser le destin de ses enfants. Plus proche de ses garçons que de ses filles, elle se retire dans sa chambre lorsque Dan, le plus jeune des garçons, annonce sa volonté de devenir prêtre. Hanna, la plus jeune des filles évoque cette période où Rosaleen se lamente et le père passe ses journées dans la maison de Boolavaun, chez sa propre mère.
En progressant dans le temps, Anne Enright nous laisse découvrir les parcours de vie de chaque enfant. Nous retrouvons tout d’abord Dan, arrivé aux Etats-Unis en 1986 avec sa petite amie Isabelle. Ses études enchaînées avec des petits boulots l’ont éloigné du séminaire. Dans l’East village, au début des années 90, en pleine explosion de l’épidémie du sida, le jeune homme découvre son homosexualité auprès de Billy. Etabli à Toronto avec Ludo, Dan craint de retourner en Irlande.
En 1997, dans le comté de Limerick, faisons plus ample connaissance avec Constance. Elle est l’aînée de la famille. Mariée à Dessie, un riche irlandais, elle travaille dans une pharmacie et est la mère de trois enfants. Dévouée à sa mère et sa famille, elle souffre sans le montrer du désintérêt de tous. Qui s’inquiète de cette mammographie qu’elle passe après avoir constaté une grosseur au sein ou de son surpoids?
En 2002, Emmet, l’aîné des garçons, nous entraîne au Mali où il est en mission humanitaire avec Alice.  » Dan voyageait partout et Emmet partout ailleurs » Tout d’abord au Cambodge puis en Afrique, Emmet peine à construire une vie stable. Si Alice est la femme de sa vie, est-il capable de s’engager?
 » Parce que c’est là que vont vos fils- ils suivent leur père dans la vallée des morts, comme s’ils partaient à la guerre. »
Hanna, la plus jeune des filles est une actrice ratée. Mère depuis peu, elle vit à Dublin avec Hugh et sombre de plus en plus dans l’alcoolisme.
En ce Noël 2005, les quatre enfants se retrouvent autour de Rosaleen. Dans leur maison d’enfance sur le point d’être vendue, là où règnent des critères d’excellence autour de Rosaleen qui  » ne vous disait jamais rien en face« , qui s’autorisait juste à commenter les potins du coin pour meubler le silence.
Rosaleen «  cette femme exaspérante. Elle passait sa vie à exiger des choses des autres et à tenir les autres responsables, elle vivait dans un état d’esprit d’espoir ou de regret, et refusait de prendre en charge, ne savait pas prendre en charge, ce qu’elle avait face à elle, quoique cela puisse être. »
Alors, en ce soir de Noël, face au retour du fils prodigue, Rosaleen, femme vieillissante, a besoin de retrouver ses racines, son herbe maudite où elle rencontra son mari, Pat Madigan, celui qui la vénérait, celui qu’elle épousa en mésalliance. Chaque enfant appelle une mère différente, une femme qui a tant besoin d’attention et rejette pourtant ses propres enfants.
 » Je n’ai pas fait suffisamment attention, dit-elle. Je crois que le problème est là. J’aurais dû faire plus attention à ce qui m’entourait. »

Dans un style exigeant, Anne Enright nous emmène vers des horizons lointains où les enfants Madigan tentent de se construire difficilement. L’auteur axe son roman sur le côté psychologique. Les personnages sont très travaillés. Les pays, cultures et paysages, donnent un simple cadre au roman mais ajoutent une richesse d’images qui stigmatiseraient une belle adaptation cinématographique. Cette lecture m’a fait penser à l’excellent film de Xavier Dolan, Juste la fin du monde. On retrouve l’impossible communication des membres d’une famille explosée suite à la mort du père et perdus dans leurs dérives personnelles.
Un roman exigeant qui laisse un très beau souvenir de cette famille Madigan.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

Laure Micmelo
7 mai 2017 à 18 h 46 min

Style et roman exigeants, ça me fait un peu peur, mais tu compares le livre au film de Dolan que j’ai adoré, il doit y avoir une sacrée tension …



    7 mai 2017 à 19 h 25 min

    Le succès du film de Dolan réside pour une bonne part dans la façon de filmer la tension avec les gros plans des visages. Dans ce roman, on connaît davantage les parcours des enfants. Les personnages sont plus incarnés donc moins mystérieux. Mais j’y ai senti un rapprochement. Est-ce cela qui a finalement fait basculer mon intérêt? Peut-être mais je crois que la construction, la façon de nous raconter ces personnages créent l’attachement aux Madigan.



9 mai 2017 à 14 h 55 min

Quel très beau film ! Mais pas certaine d’avoir envie de lire une telle ambiance.



    11 mai 2017 à 9 h 07 min

    La façon de filmer crée aussi l’ambiance. C’est donc nettement moins pesant dans ce livre. Et la rencontre familiale n’est que sur la dernière partie. Avant nous suivons chaque personnage dans sa tranche de vie.



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