Littérature irlandaise

Titre original : A history of loneliness

Traducteur : Sophie Aslanides

Editeur : JC Lattès

Nombre de pages : 380

Date de parution : 7 avril 2021

 

L’Irlande est pourrie. Pourrie jusqu’à la moelle. Je suis désolé, mais vous les prêtres, vous l’avez détruite.

Cette phrase montre la profondeur du roman de John Boyne. Mais elle se démarque dans un récit bien plus ouaté. A l’image du parcours de son personnage principal, Odran Yates, l’auteur prend son temps pour en arriver là.

C’est seulement autour de quarante ans que j’ai commencé à éprouver la honte d’être irlandais.

A l’âge de huit ans, Odran perd son père, un artiste contrarié, et son petit frère lors de vacances dans le comté de Wexford. Meurtre et suicide, tous deux se sont noyés. La mère trouve consolation dans la religion. Elle pousse Odran à devenir prêtre.

Volonté de sa mère ou véritable vocation, Odran entre au séminaire de Clonliffe en 1973. Là, il partage sa chambre avec Tom Carddle, fils d’un paysan de Wexford. Tom est là contre son gré, poussé par un père violent. Odran le soutient et devient son meilleur ami.

Quand il revient d’une année passée au Vatican, une année de tentation pour le futur prêtre, Odran est affecté au Terenure College où il se plaira tranquille à l’aumônerie et à la bibliothèque au service des étudiants pendant vingt-sept ans. Jusqu’au jour où en 2006, l’archevêque Cordington le mute dans la paroisse laissée vacante par Tom Cardle. Pourquoi Tom Cardle est-il si souvent déplacé ? Quand Odran était allé lui rendre visite en 1990 à Wexford, il avait déjà été muté onze fois!

Dans un récit non linéaire, alternant les années marquantes pour le cheminement de cette histoire de 1964 à 2013, John Boyne distille les évènements qui ont aveuglé ou qui aurait pu alerter Odran. En effet, le ressenti d’un homme se construit de ce qu’il a vécu. Les blessures d’enfance, les actes malveillants que l’on terre au fond de sa conscience, les dérapages façonnent les comportements. La compassion pour un ami meurtri, l’amitié inconditionnelle pour celui qui a partagé des années difficiles font parfois passer à côté de l’évidence. Si John Boyne met en lumière la culpabilité de l’Eglise, qu’en est-il de celle du père Odran Yates?

Sans prendre véritablement parti sur un sujet hautement délicat, John Boyne a l’intelligence d’élargir le débat en le portant à un niveau intime, familial et universel. Et finalement tout se mêle et se répond grâce à une construction qui ménage le suspense et dynamise le récit.

Après l’indépendance en 1921, l’Eglise catholique a joué un grand rôle dans la construction de l’Irlande. Elle a géré pendant des années les principales institutions scolaires, sanitaires et sociales du pays. A partir des années 90, la presse dévoile les  violences, notamment sexuelles commises par les membres du clergé protégés par l’Eglise, des archevêques jusqu’au pape. Ce n’est certes pas un phénomène local, l’excellent film Spotlight de Tom McCarthy illustre le même phénomène à Boston. De nombreuses affaires ont éclaté dans tous les pays mettant l’Eglise face à un long silence coupable.

Dans une colère contenue mais inévitablement présente, John Boyne apporte un témoignage particulièrement touchant à ce problème mondial mais peut-être encore plus présent dans une Irlande longtemps dominée par l’Eglise catholique.

Un roman coup de coeur qui me donne envie de continuer avec cet auteur. Et grâce à vos chroniques, j’ai déjà deux titre en vue : L’audacieux Monsieur Swift qui vient de sortir en version poche et Fureurs invisibles du coeur.

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

5 mai 2021 à 10 h 13 min

Celui-ci m’attend et il me tarde de le commencer! N’hésite surtout pas pour ses deux précédents romans, deux pépites 😉



5 mai 2021 à 11 h 14 min

John Boyne n’en finit pas de régler ses comptes avec l’Irlande…. Que de drames…. Celui-ci passera sûrement chez moi….. Tes deux futures lectures sont magnifiques surtout Les fureurs invisibles du coeur (merci pour le lien) où il lance à nouveau un coup de pied dans la fourmilière….. L’audacieux Mr Swift est passionnant surtout quand on aime le domaine des auteurs, des maisons d’édition, de la création et sur un ton malgré tout plus léger….. Je dis souvent que j’ai adoré détester Mr Swift 🙂



5 mai 2021 à 12 h 00 min

Oui, c’est un sujet passionnant et le rôle de l’Eglise catholique qui a certainement joué beaucoup à la fois dans la libération de l’Irlande du joug britannique et en même facteur de séparation et de moralisme intransigeant et d’obscurantisme (notamment pour les femmes) se double ici de ce scandale, mondial, et insupportable.



7 mai 2021 à 19 h 06 min

J’aime bien cet auteur, ce qu’il raconte de l’Irlande est passionnant. J’avais tout de même eu beaucoup de mal avec Les fureurs invisibles du cœur dans sa seconde moitié, qui m’avait semblée longue. La construction était assez similaire en tout cas à ce que tu racontes du titre chroniqué.



    9 mai 2021 à 16 h 06 min

    Oui j’ai vu hier en librairie Ue Les fureurs étaient un gros volume. Du coup je commence par L’audacieux Monsieur Swift. Mais il est peut-être moins ancré sur l’Irlande



8 mai 2021 à 15 h 28 min

Un thème qui pourrait m’intéresser !



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