Titre : Marx et la poupée
Auteur : Maryam Madjidi

Éditeur : Le Nouvel Attila
Nombre de pages : 208
Date de parution : 12 janvier 2017

« Je voudrais passer ma vie à récolter des histoires. De belles histoires. Dans un sac, je les mettrais et je les emporterais avec moi. Et puis au moment propice les offrir à une oreille attentive pour voir la magie naître dans le regard. Je voudrais semer des histoires dans les oreilles de tous les êtres. »

Maryam Madjidi commence ses histoires quelques mois avant sa naissance. Elle nous parle depuis le ventre de sa mère, quand celle-ci partie manifester contre le régime de Khomeiny, doit sauter du second étage de l’Université de Téhéran pour échapper aux violences des « bassidjis ».

Son récit, très éclaté, s’articule ensuite autour de ses trois naissances : sa venue au monde en 1980, son arrivée en France à l’âge de six ans, puis sa réconciliation avec sa langue natale.

Car la langue est au centre de ce roman autobiographique qui a reçu le prix Goncourt du Premier Roman en 2017.Les transitions entre les différentes parties sont particulièrement belles avec de belles envolées poétiques.

C’est une enfant qui doit quitter l’Iran, abandonnant tous ses jouets aux pauvres pour satisfaire les idées communistes de ses parents. De ces cinq premières années, elle n’aura qu’une mémoire partielle enrichie de choses entendues.

En 1986, elle arrive en France, au royaume de l’exil. Là où elle doit vivre avec ses parents dans une pièce misérable sous les toits d’un immeuble parisien, subir l’incompréhension et les moqueries dans la cour d’école. Ses peurs, elle les traduit dans des dessins terrifiants, des crises de nerfs nocturnes, une grève de la faim et un vœu de silence.

Mais elle n’est qu’une enfant. La classe spéciale veille à intégrer, franciser les enfants immigrés. Une vaste entreprise de nettoyage qui dans sa volonté à vouloir intégrer refuse d’entendre parler de la culture de l’autre.

« J’accepte que tu sois chez moi mais à la condition que tu t’efforces d’être comme moi. Oublie d’où tu viens, ici, ça ne compte plus»

Bien sûr, les parents craignent de se sentir exclus, de ne plus pouvoir communiquer avec leur fille qui ne se souvient pas de la langue natale. Il n’y a que ceux qui ne sont pas concernés qui voient comme une richesse la double culture.

Quelques personnes l’aident à porter ce fardeau d’incompréhension et de douleur. Sa grand-mère, qu’elle voit souvent comme un mirage assise sur un banc parisien, la console. En Iran, elle lui rappellera que l’on ne peut pas vivre avec un poing fermé. Son oncle Saman, amoureux de la langue de Brel qu’il a apprise en prison. Son père qui voudrait tant qu’elle parle le perse aussi bien que le français.

Adulte, la narratrice porte cette « balafre de ceux que l’exil a coupés en deux ». Son pays est autant celui où les conduites indécentes sont pourchassées par la milice des bonnes mœurs que celui des légendes et de la poésie de Khayyâm. Avec son éducation française pourrait-elle encore vivre dans ce pays meurtri et abîmé qui toujours l’appelle? La poésie, est-elle la seule chose à sauver de l’Iran?

Ce premier roman est un très beau récit sur l’exil. Je regrette un peu sa construction très fragmentée. Les chapitres comprennent des souvenirs de différentes années dans différents lieux. Cela m’a souvent tenue à distance. La naïveté de l’enfant côtoie la recherche de l’adulte avec des figures qui reviennent hanter tous les récits. Déterrer les morts, avancer avec une double culture ne peut se faire sereinement.

J’ai lu ce roman avec Mimipinson. Retrouvez son avis ici.

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

Commentaires

19 avril 2019 à 13 h 14 min

Une construction non linéaire, mais sans le côté déjanté du livre d’Abnousse Shalmani qui m’avait fait fuir;c’est cela qui m’a tant plu.



20 avril 2019 à 16 h 35 min

Un,e lecture que j’ai plus qu’apprécié. Comme Mimi, le petit côté déjanté m’a pu



24 avril 2019 à 12 h 39 min

Un roman fort, que j’avais beaucoup aimé.



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