Titre : Martienne ?
Auteur : Janine Teisson
Editeur : Chèvrefeuille étoilée
Nombre de pages : 272
Date de parution : 12 mai 2023

Une enfant non désirée

Dans les années 40, la méthode Ogino avait quelques ratés. La mère de la narratrice s’est retrouvée rapidement avec quatre enfants. Enfant non désirée, maltraitée à longueur de journée, délaissée, la narratrice ne croit pas en l’amour.

l’enfant pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité a besoin d’amour et de compréhension.

Complètement raté ! Ses parents préfèrent le chien ou le chat à leurs enfants. Seule la grand-mère maternelle s’occupe d’eux, sans grande tendresse. La lecture devient un refuge.  Si elle n’accepte pas sa féminité, elle tente de devenir « normale ».

Un mariage comme échappatoire

A dix-huit ans, elle décide d’arrêter ses études malgré une excellente note en philosophie au baccalauréat. Elle accepte de se marier avec le premier garçon qui lui a dit « je t’aime ».

Elle se soupçonne d’être entrée en mariage comme au couvent, comme, quelques années auparavant, elle avait demandé à aller en pension pour fuir les merveilleuses tentations que représentent tous les garçons du monde. Une autre forme d’anorexie, de mise entre parenthèses, de mur érigé entre ses désirs et elle.

Après un voyage de noces déroutant et sauvage, l’amoureux sentimental se transforme en mari exigeas. Les « je t’aime » deviennent « qu’est-ce qu’on mange ? »

S’adapter

Deux sessions en Côte d’Ivoire, un voyage aux Antilles, la jeune femme découvre l’esclavage, l’excision. Mère de deux enfants, elle s’investit dans l’enseignement et la création d’une troupe de clowns.
Elle a vingt-huit ans quand elle trouve l’amour auprès d’un jeune homme. Mais cet amour-momie n’est qu’un agréable moment, un souvenir qui lui réchauffera le cœur pendant des années.
De retour en France, elle redevient fée du logis, s’oubliant sous la domination du mari. Elle renonce à tout avec le sourire.

L’écriture, un remède

Après une psychanalyse, elle consacre ses quelques moments de liberté à l’écriture . Son premier roman, autobiographique, est un succès.

Dans ce premier livre, elle a creusé à vif dans l’enfance.

La vie ne l’épargne pas. L’incendie de sa maison lui vole ses mots. Son frère aux yeux bleus sombre dans la drogue et a besoin d’elle. Toujours, elle se retrouve contrainte à être le pilier invisible d’une famille qui grandit.
Incapable de dire non, de briser les liens qui la diminuent, elle vit pour les autres et garde ses envies dans son imaginaire.

Martienne ?

Inadaptée à une vie normale, elle pensait venir d’une autre planète. Peut-être celle des mots qui la soutiennent. Mais finalement, elle n’est pas si différente des femmes qui s’oublient dans un foyer exigeant. Mère sacrificielle, épouse soumise aux volontés d’un mari, la narratrice vit simplement ce que Simone de Beauvoir pensait de la dangerosité du mariage. Une perte de liberté consentie.
Il m’a fallu quelques pages pour m’habituer au style et au caractère de la narratrice. Mais au fil des chapitres, elle devient très attachante. Et elle parlera à bon nombre de lectrices ( ou de lecteurs). Des personnes qui plient sous la charge mentale d’un foyer. Sans jamais perdre le sourire. La culpabilité est tapie derrière le renoncement.
Une récente publicité alerte sur ce rôle maternel et familial qui oblige naturellement à toujours prendre soin des autres. Oubliant de prendre soin de soi-même.
Une lecture inattendue et une belle découverte.

 

 

Auteur

contact@surlaroutedejostein.fr

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