Titre : Pauvre folle
Auteur : Chloé Delaume
Editeur : Seuil
Nombre de pages : 240
Date de parution : 18 août 2023

 

La poésie en refuge

Clotilde Mélisse, écrivaine cinquantenaire, est à bord du train pour Heidelberg, haut-lieu du romantisme. Sur sa tablette, elle dispose des cailloux mémoriels rattachés par de minces filaments. Chacun est un souvenir qui l’aidera, le temps d’un voyage, à recomposer le passé.
Lorsqu’en 1983, son père, jaloux, abat sa mère et pointe sa carabine sur elle, une enfant de dix ans, sa vie se brise en mille éclats. Féminicide, uxoricide, qu’importe le mot, la résilience sera impossible.
Elevée par sa tante, l’enfant se réfugie dans la poésie, en souvenir des Lagarde & Michard vénérés par sa mère.

La poésie relevait de la pensée magique autant que de l’amour.

Après plusieurs tentatives de suicide, elle renonce au monde du travail pour devenir prostituée. Au fil du temps, elle développe une profonde aversion pour les personnes du sexe masculin.

Ainsi pensent tant , tant d’hommes : le monde leur appartient, comme tous les corps qui s’y trouvent.

Amour, amitiés

Clotilde peut compter sur une bande d’amis fidèles de tout genre, de toute situation et de toutes classes sociales.

Grâce à vous j’ai compris qu’on peut se passer du couple, l’amitié et la sonorité c’est aussi une vraie force d’amour.

Et pourtant,  « Clotilde se voulait amoureuse pour être certaine d’être vivante. »
A trente-huit ans, lors d’une résidence à la Villa Médicis, elle rencontre Guillaume Richter, un réalisateur homosexuel de trente-neuf ans. C’est un coup de foudre réciproque.
En couple de longue date avec Stéphane, Guillaume doit renoncer à son idylle avec Clotilde.
De retour à Paris, ils continuent à s’écrire régulièrement des récits poétiques, des variations bucoliques. Ces échanges sont le lieu de leur amour, d’elleetlui.
Ses amis la mettent en garde contre cet amour puissant et vénéneux.

Défi du genre

J’avais découvert les pensées de Chloé Delaume dans le document de Lucille Dupré et Maaï Youssef, Lettres d’hiver, lettres d’été. Son regard sur le couple, sur l’amour dans une société en pleine évolution de la notion de genre me semblait très pertinent.
Effectivement, l’auteur cerne parfaitement l’univers des relations amoureuses. Féminicide, patriarcat, bisexualité, perversité narcissique, malaise de l’homme du XXIe siècle.

Ce n’était pas le déni pour protéger leur fief, où le phallus se dressait à l’instar du clocher sur la place du village. C’était bien pire que ça, de la situation ils n’avaient pas conscience ; aucunement ; c’était bien plus que du déni, c’était de la forclusion. La forclusion, en psychanalyse, est un mécanisme psychique, un rejet de l’inconscient face à une représentation insupportable.

Ses réflexions sur la condition féminine s’inscrivent harmonieusement dans une narration intelligente au style vif, évocateur et poétique.
C’est pour moi une belle découverte d’une auteure que je relirai avec plaisir et intérêt.

 

 

 

 

Auteur

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